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CAA Bordeaux, 5 mai 2021, n° 19BX00259

CAA Bordeaux, 5 mai 2021, n° 19BX00259

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043279242   

CAA de BORDEAUX - 3ème chambre

N° 18BX02696

Inédit au recueil Lebon

Lecture du lundi 22 mars 2021

[…]

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Confo-Net a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Hautes-Pyrénées à lui verser une somme de 40 058 euros et, a minima, celle de 5 009,78 euros, en réparation du préjudice résultant pour elle de la résiliation unilatérale du contrat conclu le 17 février 2004 pour le nettoyage et l'entretien du parc routier départemental.

Par un jugement n° 1601158 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 juillet 2018 et le 14 février 2019, la société par actions simplifiées Wilau Propreté, venant aux droits de la société Confo-Net, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 9 mai 2018 ;

2°) de condamner le département des Hautes-Pyrénées, à titre principal, à lui verser une somme de 40 058 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 5 009,78 euros en réparation du préjudice économique résultant pour elle de la résiliation du contrat conclu le 17 février 2004 pour le nettoyage et l'entretien du parc routier départemental ;

3°) de mettre à la charge du département des Hautes-Pyrénées la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités, dès lors que les premiers juges n'ont pas invité les parties à débattre du moyen, soulevé d'office, tiré de l'illicéité de la clause de tacite reconduction au regard de l'article 16 du décret du 1er août 2006, pour écarter le terrain contractuel de la responsabilité du département des Hautes-Pyrénées et lui dénier tout droit à indemnisation ; il est insuffisamment motivé pour avoir tenu pour acquis le bien-fondé du motif d'intérêt général de la mesure de résiliation, sans avoir examiné ses arguments présentés en première instance ;

- le motif de la résiliation tiré de ce que les prestations de nettoyage seront désormais réalisées par des agents du département, en situation de sous-emploi, ne constitue pas un motif d'intérêt général ; l'administration devait respecter les stipulations du contrat selon lesquelles il était conclu pour une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction et qu'il pouvait y être mis fin quatre mois avant son échéance ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant le contrat sur le seul fondement de l'illicéité de la clause de reconduction tacite, et ont méconnu le principe de loyauté des relations contractuelles ; l'illégalité de la clause de reconduction tacite, à la supposer établie, n'est pas une irrégularité suffisamment grave pour justifier que le contrat doive être écarté, au sens de la décision du Conseil d'Etat " Béziers I " du 28 décembre 2009 ;

- sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle, le département des Hautes-Pyrénées ne pouvait ignorer l'illicéité de la clause de reconduction tacite lui permettant de déroger aux règles de mise en concurrence périodique des marchés publics ;

- le manque à gagner qu'elle subit est de 46 058 euros ; titre subsidiaire, en application du CCAG-FCS, elle a droit à indemnisation à hauteur de 5 009,78 euros représentant 5 % du montant total du marché sur 24 mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2019, le département des Hautes-Pyrénées, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics issu du décret n°2006-975 du 1er août 2006 ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... G...,

- les conclusions de Mme H..., rapporteure publique,

- et les observations de Me F..., représentant le département des Hautes-Pyrénées.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat conclu le 17 février 2004, l'Etat, représenté par la direction départementale de l'équipement des Hautes-Pyrénées, dans les droits duquel a succédé le département des Hautes-Pyrénées à la suite du transfert de compétences à son profit d'une partie du domaine public routier national, opéré par la loi du 13 août 2004, a confié à la société Confo-Net la mission du nettoyage et de l'entretien des locaux situés dans la zone de Bastillac à Tarbes. Par une décision du 28 décembre 2015, prenant effet le 1er avril 2016, le président du conseil départemental des Hautes-Pyrénées a résilié ce contrat dans l'optique de confier les opérations de nettoyage et d'entretien aux agents de sa collectivité. La société Confo-Net a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Hautes-Pyrénées à lui verser à titre principal une somme de 40 058 euros ou à titre subsidiaire la somme de 5 009,78 euros, en réparation du préjudice résultant pour elle de la résiliation du contrat conclu le 17 février 2004 pour le nettoyage et l'entretien du parc routier. La société Confo-Net, aux droits de laquelle vient la société Wilau Propreté, relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. ".

3. En faisant application des règles issues de la décision du CE, statuant au contentieux, du 28 décembre 2009, le tribunal s'est borné à répondre à l'argumentation de la société requérante sur le terrain juridiquement approprié et n'a pas, ce faisant, soulevé un moyen d'ordre public qu'il aurait dû communiquer aux parties en application de l'article R611-7 précité du code de justice administrative. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le caractère contradictoire de la procédure et commis une erreur de droit en écartant le terrain contractuel de la responsabilité du département des Pyrénées-Atlantiques, sans inviter les parties, préalablement, à en discuter.

4. D'autre part, le tribunal a exposé de manière suffisante les motifs pour lesquels il estimait que la résiliation du contrat litigieux devait être regardée comme reposant sur un motif d'intérêt général et n'a donc pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation sur ce point.

5. Il résulte de ce qui précède, que le jugement contesté du tribunal administratif de Pau n'est pas irrégulier.

Sur la responsabilité du département des Hautes-Pyrénées :

6. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.

7. Aux termes de l'article 16 du code des marchés publics, issu du décret du 1er août 2006 : " Sous réserve des dispositions fixant la durée maximale pour les accords-cadres et les marchés à bons de commande, les marchés complémentaires passés en procédure négociée ainsi que les marchés relatifs à des opérations de communication, la durée d'un marché ainsi que, le cas échéant, le nombre de ses reconductions, sont fixés en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique./Un marché peut prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du marché, périodes de reconduction comprises./Sauf stipulation contraire, la reconduction prévue dans le marché est tacite et le titulaire ne peut s'y opposer. ". L'article F " Tarifs forfaitaires, Règlement " du contrat en cause du 17 février 2004, qui fixe le prix forfaitaire du marché de service à 3 479,02 euros hors taxes par mois, soit un total annuel de 41 748,24 euros hors taxes, prévoit qu'il est conclu pour " une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction ou résiliable avec préavis de quatre mois avant son échéance ". Le contrat conclu le 17 février 2004 ainsi que ceux ayant pris tacitement effets au 17 février 2006, 17 février 2008, 17 février 2010, 17 février 2012 et 17 février 2014, par application de la clause de tacite reconduction, avaient donc à être précédés d'une procédure de publicité et de mise en concurrence en vertu du code des marchés publics alors en vigueur. En tout état de cause, même en dehors de tout texte applicable, les marchés publics demeurent soumis aux principes généraux de la commande publique tels qu'ils ont notamment été exprimés à l'article 1er du code des marchés publics issu du décret du 1er août 2006, " II. -Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. (...) ".

8. Si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 7, les conditions de renouvellement du contrat litigieux à cinq reprises par tacite reconduction entre 2006 et 2014, auraient dû respecter une procédure de publicité et de mise en concurrence, ce seul vice, ne concerne pas le contenu des contrats et n'a pas entaché les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Ainsi, dès lors que la société requérante n'a pas invoqué cette illégalité, qu'elle ne pouvait toutefois ignorer, et que le département des Hautes-Pyrénées, substitué à la direction départementale de l'équipement, n'a pas contesté l'exécution du contrat, ce vice ne saurait être regardé, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d'une gravité telle qu'il s'opposerait à ce que le litige né de leur exécution soit réglé sur le terrain contractuel. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a écarté le terrain contractuel pour rejeter sa demande indemnitaire.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du département :

9. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant.

10. D'une part, il résulte de l'instruction que le président du conseil départemental des Hautes-Pyrénées a résilié le contrat dans l'optique de confier les opérations de nettoyage et d'entretien aux agents de la collectivité. Cette résiliation est consécutive à un audit de la collectivité ayant mis en évidence la nécessité d'optimiser les effectifs. Ce motif constitue un motif d'intérêt général, dont la réalité n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par la société appelante qui se borne à soutenir que la décision de résiliation n'est pas motivée et que les thématiques abordées dans le cadre de l'audit, sur lequel se fonde le département, sont sans rapport avec l'exécution du contrat en litige. Dès lors, la société Confo-Net ne saurait utilement soutenir que la résiliation unilatérale prononcée par le département des Hautes-Pyrénées est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du département.

11. D'autre part, pour soutenir que la résiliation du contrat prenant effet le 1er avril 2016 lui a causé un préjudice financier, la société requérante fait valoir qu'elle a été privée de la possibilité de poursuivre jusqu'à son terme l'exécution de ce contrat, d'une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction, et venant à échéance le 17 février 2018. Toutefois, la clause de tacite reconduction contenue dans le contrat en litige étant irrégulière au regard des dispositions alors applicables de l'article 16 du code des marchés publics, aucun préjudice, et donc aucun droit à indemnité, ne peut naître, pour le cocontractant de l'administration, de l'absence de reconduction tacite d'un contrat à l'issue de la durée initiale convenue par les parties, et de sa rupture anticipée pour un motif d'intérêt général.

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle du département :

12. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le litige entre les parties devait ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, être jugé sur le seul terrain contractuel. Ainsi, la société requérante qui était liée au département par un contrat, ne pouvait exercer, à l'encontre de du département, d'autre action que celle procédant de ce contrat. Par suite, la société Confo-Net n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département des Hautes-Pyrénées sur le terrain quasi-délictuel. Dès lors, les conclusions indemnitaires présentées par cette société, en première instance comme en appel, sur ce fondement ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

13. Enfin, et ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, la demande d'indemnisation, formulée à titre subsidiaire sur le fondement du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services, ne peut qu'être rejetée dès lors que ce document contractuel n'est pas applicable au contrat en cause, qui ne s'y référait pas.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Wilau Propreté venant aux droits de la société Confo-Net, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département des Hautes-Pyrénées le versement de la somme réclamée sur leur fondement par la société Wilau Propreté. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Wilau Propreté une somme de 1 500 euros à verser au département des Hautes-Pyrénées sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Wilau Propreté, venant aux droits de la société Confo-Net, est rejetée.

Article 2 : La société Wilau Propreté versera au département des Hautes-Pyrénées la somme de 1 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wilau Propreté et au département des Hautes-Pyrénées.

MAJ 20/05/21 - Source legifrance

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