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CJCE, 12 décembre 2002, affaire C-470/99, Universale-Bau AG c/ Entsorgungsbetriebe Simmering GmbH

CJCE, 12 décembre 2002, affaire C-470/99, Universale-Bau AG c/ Entsorgungsbetriebe Simmering GmbH

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. SIEGBERT ALBER

présentées le 8 novembre 2001 (1)

Affaire C-470/99

Universale-Bau AG und Bietergemeinschaft

1. Hinteregger & Söhne Bau GmbH

2. Östu-Stettin Hoch- und Tiefbau GmbH

contre

Entsorgungsbetriebe Simmering GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Vergabekontrollsenat Wien (Autriche)]

I - Introduction

Le Vergabekontrollsenat Wien (Autriche) a posé, dans le cadre du contrôle d'une procédure restreinte en vue de l'attribution d'un marché de travaux, quatre questions relatives à l'interprétation de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux) (2). Elles concernent la notion de pouvoir adjudicateur, au regard en particulier de l'élargissement ultérieur des missions confiées à l'organisme concerné, la notion de marché public de travaux, le régime des délais de forclusion en matière de recours et la question de savoir si l'appel d'offres doit également indiquer les critères d'évaluation.

II - Droit applicable

1. Directive 93/37

L'article 1er de la directive 93/37 définit en ces termes les notions de marché public de travaux et de pouvoir adjudicateur:

«Article premier

Aux fins de la présente directive:

a) les marchés publics de travaux sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d'une part, un entrepreneur et, d'autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l'annexe II ou d'un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur;

b) sont considérés comme pouvoirs adjudicateurs, l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

On entend par organisme de droit public tout organisme:

- créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial

et

- doté de la personnalité juridique

et

- dont soit l'activité est financée majoritairement par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public.

[...]»

2. Directive 89/665/CEE

La directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (3), dispose ce qui suit:

Article 1er, paragraphe 1:

«Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d'application des directives 71/305/CEE et 77/62/CEE, les mesures nécessaires pour assurer que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l'objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l'article 2 paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.»

Article 2, paragraphes 7 et 8:

«7. Les États membres veillent à ce que les décisions prises par les instances responsables des procédures de recours puissent être exécutées de manière efficace.

8. Lorsque les instances responsables des procédures de recours ne sont pas de nature juridictionnelle, leurs décisions doivent toujours être motivées par écrit. En outre, dans ce cas, des dispositions doivent être prises pour garantir les procédures par lesquelles toute mesure présumée illégale prise par l'instance de base compétente ou tout manquement présumé dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés doit pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel ou d'un recours auprès d'une autre instance qui soit une juridiction au sens de l'article 177 du traité et qui soit indépendante par rapport au pouvoir adjudicateur et à l'instance de base.

La nomination des membres de cette instance indépendante et la cessation de leur mandat sont soumises aux mêmes conditions que celles applicables aux juges en ce qui concerne l'autorité responsable de leur nomination, la durée de leur mandat et leur révocabilité. Au moins le président de cette instance indépendante doit avoir les mêmes qualifications juridiques et professionnelles qu'un juge. L'instance indépendante prend ses décisions à l'issue d'une procédure contradictoire, et ces décisions ont, par les moyens déterminés par chaque État membre, des effets juridiques contraignants.»

3. Wiener Landesvergabegesetz

Le Wiener Landesvergabegesetz (4) (loi du Land de Vienne sur la passation des marchés publics, ci-après le «WLVergG»), dans la version pertinente pour la présente procédure de recours, contient les dispositions suivantes qui intéressent notamment également l'examen de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle sous l'angle de la question de savoir si le Vergabekontrollsenat à l'origine du renvoi est une juridiction au sens de l'article 234 CE.

En vertu de l'article 94, paragraphe 2, le Vergabekontrollsenat statue en première et dernière instance sur les recours. L'administration ne peut modifier ou annuler ses décisions. Selon le paragraphe 3, la procédure de recours est régie par l'Allgemeine Verwaltungsverfahrensgesetz (code de procédure administrative) et par le Verwaltungsvollstreckungsgesetz (loi relative à l'exécution en matière administrative), sauf dispositions particulières du WLVergG.

L'article 95 du WLVergG est en ces termes:

«§ 95. (1) Le Vergabekontrollsenat est composé de sept membres. Ceux-ci sont nommés par le gouvernement du Land pour un mandat de six ans. Les mandats sont renouvelables. Trois membres, qui peuvent être également des agents de l'administration municipale de Vienne qualifiés en la matière, sont nommés après consultation du conseil municipal, un membre est nommé après consultation de la Wirtschaftskammer (chambre économique) de Vienne, un membre après consultation de la Kammer für Arbeiter und Angestellte (chambre des ouvriers et des employés) de Vienne, et un membre après consultation de l'Architekten- und Ingenieurkonsultenkammer (chambre des architectes et des ingénieurs-conseils) des Länder de Vienne, Basse-Autriche et Burgenland. Le président doit faire partie de la magistrature et est nommé après consultation du président de l'Oberlandesgericht Wien. Pour chaque membre, un premier, un deuxième et un troisième suppléants sont désignés de la même manière. Dans l'ordre de leur nomination, les suppléants représentent les membres en cas d'empêchement temporaire de ceux-ci ou lors de leur départ, jusqu'à la désignation d'un nouveau membre. En cas de départ d'un membre, une nouvelle nomination doit intervenir immédiatement.

(2) Les membres et les membres suppléants doivent posséder une connaissance approfondie du domaine de la passation des marchés publics, spécialement, pour ce qui est des membres nommés après consultation du conseil municipal, du point de vue économique ou technique.

(3) Les membres cessent leurs fonctions dans les cas suivants:

1. décès,

2. renonciation,

3. perte de l'éligibilité au Nationalrat (article 41 du Nationalrats-Wahlordnung 1992, BGBl. n° 471, dans la version du Bundesgesetz BGBl. n° 117/1996),

4. expiration du mandat,

5. pour le président et ses suppléants, s'ils quittent la magistrature,

6. révocation par le Vergabekontrollsenat.

(3a) Tout membre dans l'incapacité durable d'exercer normalement ses fonctions pour cause de déficience physique ou mentale ou ayant commis de graves manquements à ses obligations est révoqué de son mandat par décision du Vergabekontrollsenat. Cette décision doit être prise après audition de l'intéressé. Celui-ci ne peut participer au vote.

(4) Les membres du Vergabekontrollsenat exercent leurs fonctions en toute indépendance et ne sont liés par aucune instruction.

(5) Les membres du Vergabekontrollsenat sont tenus au devoir de réserve, conformément à l'article 20, paragraphe 3, du Bundes-Verfassungsgesetz.

(6) Le Vergabekontrollsenat siège sur convocation du président. En cas de partialité ou d'empêchement provisoire d'un membre, son suppléant doit être convoqué. Les membres du Vergabekontrollsenat ne peuvent statuer sur une procédure impliquant l'attribution d'un marché dans le champ d'action de l'institution (dans le cas des agents de l'administration municipale de Vienne, du service, de la partie d'entreprise ou de l'établissement) dont ils font partie. Si des motifs sérieux mettent en doute l'impartialité d'un membre, il doit s'abstenir d'exercer ses fonctions et demander à être remplacé. Les parties peuvent récuser des membres du Vergabekontrollsenat pour des raisons de partialité. Le Vergabekontrollsenat statue sur l'éventuelle partialité d'un membre et sur les demandes de récusation sans que le membre intéressé puisse voter. Les noms des membres du Vergabekontrollsenat et de l'institution (dans le cas des agents de l'administration municipale de Vienne, du service, de la partie d'entreprise ou de l'établissement) dont ils font partie doivent être publiés à l'Amtsblatt der Stadt Wien au début de chaque année civile à l'initiative du président.

(7) Les recours doivent être soumis au vote dans l'ordre déterminé par le président. Au moins cinq membres doivent être présents pour que le Vergabekontrollsenat statue, les décisions étant prises à la majorité absolue des voix. L'abstention n'est pas autorisée. Le Vergabekontrollsenat ne siège pas publiquement. Le déroulement des séances est consigné dans un procès-verbal. Les décisions doivent être adoptées par écrit et mentionner les noms des membres du Vergabekontrollsenat ayant pris part au vote. La décision doit être signée par le président. Tout membre peut également prendre des mesures relatives à la conduite de la procédure, conformément aux dispositions du règlement intérieur.

(8) Les membres du Vergabekontrollsenat exerçent cette activité à titre bénévole. Ils prêtent serment devant le Landeshauptmann.

(9) Les membres du Vergabekontrollsenat ont droit au remboursement des frais de déplacement nécessaires et à une compensation financière pour le temps consacré à cette activité, dont le montant est fixé par le Landesregierung conformément aux tarifs.

(10) Le Vergabekontrollsenat adopte un règlement intérieur.

(11) L'administration du gouvernement du Land de Vienne met à la disposition du Vergabekontrollsenat, sur proposition de celui-ci, le personnel indispensable à sa gestion et, après consultation du président du Vergabekontrollsenat, les locaux qui lui sont nécessaires. Les agents exerçant des fonctions de gestion ne sont liés, dans le cadre de leurs activités au service du Vergabekontrollsenat, que par les instructions du président et du rapporteur concerné. Ils ne peuvent être relevés de ces fonctions qu'après consultation du président.»

Procédure préalable

«§96. (1) Si un entrepreneur estime qu'une décision prise par le pouvoir adjudicateur pour l'attribution du marché enfreint la présente loi, et qu'il a été ou risque d'être lésé de ce fait, il doit en informer le pouvoir adjudicateur dûment par écrit, en indiquant ses motifs et son intention d'introduire un recours.

(2) Le pouvoir adjudicateur doit, après avoir reçu la notification visée au paragraphe 1, soit supprimer immédiatement l'illégalité relevée et en informer les entrepreneurs, soit informer l'entrepreneur plaignant par écrit des raisons pour lesquelles l'illégalité prétendue n'existe pas.»

Introduction du recours

«§97. (1) Un recours visant au réexamen de l'attribution d'un marché n'est recevable que si l'entrepreneur a dûment informé le pouvoir adjudicateur de l'illégalité invoquée (article 96, paragraphe 1) et si le pouvoir adjudicateur ne l'a pas informé dans les deux semaines de la suppression de cette illégalité.

(2) Un recours peut être introduit

1. par un entrepreneur ayant un intérêt professionnel à la passation d'un marché public de fournitures, de travaux, de concession de travaux ou de services, ou d'un marché dans le secteur de l'alimentation en eau et en énergie ou dans le secteur des communications et télécommunications, qui invoque un moyen d'annulation visé à l'article 101;

2. par un soumissionnaire qui fait valoir que le marché ne lui a pas été attribué, en violation de l'article 48, paragraphe 2, alors qu'il n'existait pas de motifs d'exclusion au sens de l'article 47.

(3) Le recours visé au paragraphe 2 doit comporter:

1. la dénomination exacte de la procédure de passation de marché concernée et de la décision attaquée;

2. la désignation exacte du pouvoir adjudicateur;

3. un exposé précis des faits pertinents;

4. des indications relatives au préjudice allégué que le demandeur subit ou risque de subir;

5. les motifs sur lesquels est fondée l'allégation d'illégalité;

6. des conclusions précises en annulation ou modification;

7. dans les cas visés au paragraphe 1, la preuve que le pouvoir adjudicateur a été informé, selon une procédure préalable au sens de l'article 96, de l'illégalité invoquée et de l'intention d'introduire un recours, et la mention que le pouvoir adjudicateur n'a pas supprimé cette illégalité dans les délais requis.

(4) L'introduction d'un recours n'a pas d'effet suspensif sur la passation du marché en cause.

(5) Dans le recours en matière de passation de marchés, le taux maximal des pénalités (article 35 de l'AVG) est de 1% de la valeur estimée du marché, sans pouvoir toutefois excéder 800 000 SCH.»

Délais

«§98. Les recours fondés sur les illégalités mentionnées ci-après doivent être portés devant le Vergabekontrollsenat dans les délais suivants:

1. En ce qui concerne les candidatures rejetées, au plus tard deux semaines et, dans le cas visé à l'article 52, au plus tard trois jours après la notification du refus [(5)].

2. En ce qui concerne les dispositions de l'avis public de marché invitant les entrepreneurs à participer à une procédure restreinte ou à une procédure négociée, ou en ce qui concerne les dispositions de l'appel d'offres, au plus tard deux semaines et, dans le cas visé à l'article 52, au plus tard une semaine avant l'expiration du délai de présentation de la candidature ou de l'offre.

3. En ce qui concerne l'attribution effective du marché, au plus tard deux semaines après la publication officielle de l'adjudication au Journal officiel des Communautés européennes ou, si la publication n'a pas eu lieu, au plus tard six mois après l'attribution effective.»

III - Faits

1. Procédure au principal

Entsorgungsbetriebe Simmering GesmbH (ci-après «EBS») a publié à l'Amstblatt der Stadt Wien (bulletin officiel de la ville de Vienne) son intention d'attribuer dans le cadre d'une procédure restreinte (6) un marché de travaux en vue de l'extension de la station centrale d'épuration de Vienne. Les cinq candidats les mieux classés devaient être invités à présenter une offre, le marché devant être attribué sur la base de l'offre économiquement la plus avantageuse selon les critères établis dans l'appel d'offres. Dans les notes explicatives concernant la demande de participation (7), on pouvait lire ce qui suit, sous l'intitulé «critères de classement des demandes de participation»:

«Pour le classement des demandes de participation, la capacité technique du candidat, de chaque membre du groupement d'entrepreneurs et des sous-traitants indiqués pour les cinq dernières années est prise en compte.

Les cinq candidats les mieux classés sont invités à présenter une offre.

L'appréciation des dossiers présentés se fait selon une procédure de scorage [(8)].

Les réalisations suivantes sont analysées dans l'ordre suivant:

- stations d'épuration,

- éléments de construction précontraints,

- fondations de vaste superficie sur colonnes portantes en graviers,

- compression par vibration,

- bétonnage du sol à haute pression.

Le candidat doit faire état de projets de référence comportant des missions comparables menés à bien dans les cinq dernières années.

Ne seront prises en compte que les références réalisées par un candidat ou un sous-traitant personnellement, à la tête d'un consortium ou, dans le cadre d'un tel consortium, en tant que responsable technique ou exécutant (les formulaires sont joints à la demande de participation, point 3).»

EBS a déposé chez un notaire les modalités de la procédure de scorage le 9 avril 1999, soit avant la présentation de la première offre. Les demandeurs au principal, Universale-Bau GmbH (ci-après «Universale») et le groupement d'entreprises constitué par Hinteregger et Östu-Stettin (ci-après le «groupement d'entreprises»), ont été informés, dans les notes explicatives concernant la demande de participation, que la procédure avait été déposée chez un notaire. Toutefois, ni le déroulement de cette procédure de scorage, ni les critères d'appréciation ne leur ont été communiqués avant l'expiration du délai pour faire acte de candidature.

Les demandeurs au principal avaient fait connaître leur intérêt à prendre part à la procédure restreinte. Après avoir été informés par EBS qu'ils ne faisaient pas partie des cinq meilleurs candidats et ne seraient donc pas invités à soumettre une offre, ils ont contesté cette procédure d'adjudication devant le Vergabekontrollsenat.

2. Nature juridique et mission d'EBS

EBS a été fondée en 1976 par la Wiener Allgemeine Beteiligungs- und Verwaltungsgesellschaft mbH et la BIA Betriebsgesellschaft für Industrieabfall- und Altölbeseitigung GmbH. Son capital social a été apporté par ses deux associées, chacune pour moitié. L'Allgemeine Beteiligungs- und Verwaltungsgesellschaft mbH «dépendait», selon les constatations du Vergabekontrollsenat, de la municipalité de Vienne. À l'époque de l'appel d'offres, les parts sociales étaient les suivantes:

Wiener Holding AG

11 075 000 ATS

Ville de Viennec

160 425 000 ATS

Services énergétiques de la ville de Vienne

178 500 000 ATS

Selon les constatations du Vergabekontrollsenat, l'objet social d'EBS consistait dans un premier temps en la conception, l'édification et l'exploitation d'une installation d'élimination de déchets toxiques et une installation de combustion de boues. Ces tâches étaient effectuées dans un but commercial et en concurrence avec d'autres installations d'élimination de déchets, par exemple, des exploitants de décharges privées. EBS assumait seule le risque d'exploitation. Rien dans les statuts de la société n'indique qu'EBS devait satisfaire des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial.

En vertu de l'article 10, paragraphe 2, des statuts d'EBS du 12 septembre 1996 actuellement en vigueur, la chambre des comptes de la municipalité de Vienne est habilitée à contrôler tant la gestion financière courante, du point de vue de l'exactitude comptable, de la régularité et du caractère économe, utile et judicieux de l'emploi des fonds, que le bilan et le rapport annuel, y compris l'exécution, les justificatifs et autres pièces à l'appui, à visiter les locaux et installations et à présenter un rapport sur le résultat de cette vérification aux organes compétents et aux membres de la société et à la municipalité de Vienne.

3. Contrats avec la ville de Vienne

En 1985, EBS a conclu avec la ville de Vienne un contrat de concession sur la base duquel elle assurait, à compter du 1er janvier 1986, la gestion de la station centrale d'épuration de la ville de Vienne. Aux termes de ce contrat, la ville de Vienne acquittait «une somme appropriée et unique couvrant les frais d'exploitation de la station centrale d'épuration et des installations d'élimination des déchets existantes et garanti[ssai]t une rémunération correcte du capital». Selon les constatations du Vergabekontrollsenat qui ont été confirmées par les parties au principal, EBS assure l'épuration des eaux usées dans un but non lucratif. Il s'agit en fait d'une activité d'intérêt général que la ville de Vienne a déléguée à EBS et qui est gérée de manière à couvrir les frais. Cette activité revêt donc un caractère autre qu'industriel ou commercial. Les statuts n'ont pas été modifiés lorsque EBS s'est vu confier cette mission.

Par un contrat de concession en date du 8 juillet 1996, remplaçant celui de 1985, la gestion de la station centrale d'épuration de la ville de Vienne a de nouveau été confiée à EBS. Celle-ci s'est en outre engagée à assurer l'extension du réseau d'égouts liée au projet ainsi que l'extension de la station centrale d'épuration de la ville de Vienne et de ses propres installations en son nom propre et pour son propre compte (point I.2 du contrat). Le personnel nécessaire pour la gestion de la station centrale d'épuration devait toujours être mis à disposition par la ville de Vienne (point I.3). Celle-ci s'est engagée à transférer une «somme appropriée globale qui doit permettre de couvrir les frais d'exploitation. Toutes les dépenses occasionnées par l'extension et l'exploitation des installations, en ce compris les constructions d'égouts liées au projet, déduction faite des sommes perçues par EBS doivent [...] être compensées» (point IV.1).

Aucune condition spécifique n'est posée en ce qui concerne les modalités relatives à l'installation. Toutefois, aux termes des points II et III du contrat, EBS est tenue d'assurer un certain mode de fonctionnement de la station centrale d'épuration, sans que la ville de Vienne précise toutefois la configuration concrète de l'ouvrage.

Il ressort de la décision du service des bâtiments qu'EBS a demandé la délivrance d'un permis de construire. La ville de Vienne est propriétaire du terrain. EBS a expliqué, dans une lettre du 8 septembre 1999, jointe en annexe 8 à l'ordonnance de renvoi, que «[l]a station d'épuration en question restera notre propriété. Le transfert de la station est prévu dans l'hypothèse où les contrats de concession et de gestion que nous avons conclus pour une durée indéterminée avec la ville de Vienne seraient dénoncés. Dans cette hypothèse, la ville de Vienne est notamment tenue de racheter notre station d'épuration. Elle doit nous rembourser la valeur vénale de la station d'épuration». Selon les constatations du Vergabekontrollsenat, cette règle est conforme au droit autrichien.

Le Vergabekontrollsenat exclut toute intention de la ville de Vienne de contourner, par la création d'EBS et la concession de l'exploitation et de l'extension de la station d'épuration à cette dernière, l'application des dispositions relatives aux marchés publics. EBS a été fondée dès 1976 mais ne s'est vu confier l'exploitation de la station d'épuration qu'à partir de 1986.

IV - Questions préjudicielles

Le Vergabekontrollsenat a saisi la Cour des questions suivantes en vue d'une décision à titre préjudiciel:

«1) Une personne morale qui n'a pas été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, mais qui satisfait maintenant de tels besoins, est-elle considérée comme pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37/CEE?

2) Dans l'hypothèse où la société Entsorgungsbetriebe Simmering n'est pas un pouvoir adjudicateur, le projet de réalisation du deuxième stade d'épuration biologique de la station centrale d'épuration de Vienne a-t-il pour objet la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur, et donc un marché public de travaux au sens des dispositions combinées de l'article 1er, sous a) et c), de la directive 93/37?

3) Si les première ou deuxième questions appellent une réponse affirmative, la directive 89/665/CEE fait-elle obstacle à une réglementation nationale qui soumet le recours contre une décision donnée du pouvoir adjudicateur à un délai, de sorte que, passé ce délai, cette décision ne peut plus être contestée par la suite au cours de la procédure d'adjudication? Les intéressés doivent-ils faire valoir toute irrégularité, sous peine de forclusion?

4) Si les premières ou deuxième questions appellent une réponse affirmative, suffit-il que le pouvoir adjudicateur décide de procéder à l'examen des candidatures selon des modalités d'évaluation déposées chez un notaire, ou doit-il indiquer les critères d'évaluation dès la publication [(9)] ou dans les documents de l'appel d'offres?»

V - Argumentation des parties et analyse

1. Recevabilité de la demande de décision préjudicielle

Aucune des parties impliquées dans la procédure n'a certes mis en doute la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais le Vergabekontrollsenat a justifié avec force arguments de son habilitation à saisir la Cour à titre préjudiciel et le gouvernement autrichien s'est exprimé sur cette question. Invoquant un arrêt de la Cour concernant le Tiroler Vergabesenat, tous deux estiment que la demande est recevable. Dans cette affaire, la demande de décision préjudicielle était irrecevable aux yeux de l'avocat général (10), mais la Cour l'a pour sa part tenue pour recevable (11). S'agissant du Wiener Vergabekontrollsenat dont émane le présent renvoi préjudiciel, la Cour ne s'est pas encore prononcée sur son habilitation à saisir la Cour à titre préjudiciel. La question se pose également dans la procédure de l'affaire Hospital Ingenieure Krankenhaustechnik Planungsgesellschaft (C-92/00). Dans ses conclusions du 28 juin 2001 sur cette affaire, l'avocat général Tizzano a estimé implicitement que le Wiener Vergabekontrollsenat est habilité à saisir la Cour à ce titre, sans toutefois prendre expressément position sur ce point. L'arrêt dans cette affaire n'a pas encore été rendu, de sorte qu'il y a lieu d'aborder cette question dans le cadre de la présente procédure.

Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la qualité de juridiction au sens de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) de l'instance dont émane le renvoi, la Cour s'interroge sur son origine légale, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l'application, par cette instance, des règles de droit, ainsi que son indépendance (12).

Il ressort de l'article 94, paragraphe 2, du WLVergG que le Vergabekontrollsenat est compétent, en première et dernière instance, pour contrôler les décisions prises par un pouvoir adjudicateur dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché. Ses fonctions ont donc une base légale et sa juridiction est obligatoire. Cet organisme est également caractérisé par sa permanence. Les décisions des pouvoirs adjudicateurs sont contrôlées conformément aux prescriptions du WLVergG et, sauf dispositions particulières de cette loi, sur la base de l'Allgemeine Verwaltungsverfahrensgesetz et du Verwaltungsvollstreckungsgesetz, ainsi qu'en dispose l'article 94, paragraphe 3, du WLVergG. L'indépendance du Vergabekontrollsenat par rapport à l'administration est garantie par l'article 94, paragraphe 2, du WLVergG, qui exclut que ses décisions puissent être modifiées ou annulées par la voie administrative. En outre, l'article 95, paragraphe 4, du WLVergG assure à ses membres l'exercice de leur fonction en toute indépendance sans qu'ils soient liés par aucune instruction. Le paragraphe 6 de ce même article règle le problème de la partialité, un critère sur lequel la Cour a particulièrement insisté dans l'affaire Köllensperger et Atzwanger (13). En vertu du paragraphe 7 de l'article 95, les décisions du Vergabekontrollsenat sont adoptées par écrit. Ces constatations nous amènent à conclure que le Vergabekontrollsenat répond aux conditions posées par la jurisprudence pour être qualifié de juridiction au sens de l'article 177 du traité CE. La demande de décision préjudicielle est donc recevable.

2. Sur la première question

Par sa première question, le Vergabekontrollsenat souhaite savoir si un organisme qui n'a certes pas été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, mais qui a par la suite pris en charge de tels besoins qu'il assume désormais effectivement, doit être qualifié d'organisme de droit public au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37.

a) Argumentation des parties

Universale, le groupement d'entreprises et le gouvernement autrichien estiment qu'EBS est un pouvoir adjudicateur au sens de la directive. Ce sont les missions effectivement assumées par l'organisme au moment de l'appel d'offres et de la passation du marché, et non son acte constitutif, qui importent. Le groupement d'entreprises invoque, à l'appui de son analyse, les solutions jurisprudentielles dégagées à ce jour, dont il ressort selon lui que cette notion doit être interprétée d'un point de vue fonctionnel. Le groupement d'entreprises et le gouvernement autrichien ne font pas référence, s'agissant du critère correspondant aux termes «créé pour satisfaire spécifiquement», à la date de la création de l'organisme mais voudraient que les modifications effectives intervenues ultérieurement soient prises en compte. Ce critère peut également être satisfait à travers la modification de la finalité jusqu'ici assignée à l'organisme ou la définition d'une finalité supplémentaire. S'il en était autrement, il serait aisé de contourner la directive 93/37, en confiant des besoins d'intérêt général non pas à un nouvel organisme, doté de la personnalité juridique, spécifiquement créé à cette fin, mais à une entité déjà existante ayant antérieurement d'autres finalités. Le groupement d'entreprises propose d'interpréter ce critère comme signifiant «que les propriétaires destinent à satisfaire spécifiquement».

EBS et la Commission estiment en revanche qu'EBS n'est pas un pouvoir adjudicateur au sens de la directive. Cette dernière relève tout d'abord qu'elle a été créée en 1976 pour assurer sur une base commerciale la combustion des déchets toxiques. Elle a dû supporter le risque économique de son entreprise. Ce n'est que dix ans après sa création que lui a été confiée la mission d'intérêt général d'élimination des eaux usées, une mission qu'elle gère de manière à couvrir les frais. Elle n'a toutefois pas été créée à cette fin. Pour déterminer s'il s'agit d'un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 93/37, c'est la date de création qui est selon elle déterminante, conformément à l'article 1er de la directive et à l'état actuel de la jurisprudence. Le fait qu'elle ait par la suite pris en charge des besoins d'intérêt général ne change rien à son statut puisqu'elle continue à exercer des missions à caractère industriel ou commercial. Le texte de la directive s'oppose selon elle à l'interprétation de la notion de pouvoir adjudicateur que prônent les demandeurs au principal. Tout au plus pourrait-on l'interpréter en ce sens que l'organisme ne serait qualifié de pouvoir adjudicateur que du point de vue des missions d'intérêt général qu'il assume, à l'exclusion de ses missions à caractère industriel ou commercial. EBS propose donc une distinction en fonction de chacune des missions assumées par l'organisme. La Commission signale en outre que la modification de la finalité de la société n'a été entérinée ni par une modification de son objet social tel qu'il apparaît dans ses statuts ni par une disposition légale.

Le gouvernement néerlandais, de même que le groupement d'entreprises, évoque l'interprétation fonctionnelle que la jurisprudence a appliquée selon lui à la notion de pouvoir adjudicateur. Il conclut, sur la base de cette prémisse, qu'une institution de droit privé qui, quoiqu'elle n'ait pas été créée spécifiquement à cette fin, n'en assume pas moins des missions d'intérêt général doit être considérée comme un pouvoir adjudicateur au sens de la directive 93/37. De même que la Commission, il recommande toutefois que cette circonstance puisse être constatée de manière objective. Il relève que l'article 1er, sous b), deuxième alinéa, de la directive ne fait pas référence à la base juridique des missions confiées à l'organisme. On ne peut selon lui constater en l'espèce de manière objective qu'EBS assume une mission d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Il est plutôt question d'une convention avec la ville de Vienne (pouvoir adjudicateur) visant à mettre en oeuvre un marché public ou de l'octroi d'un droit de concession. Il estime, sur la base de cette analyse, qu'il y a lieu d'examiner en tout cas si la procédure d'adjudication constituait la procédure appropriée.

b) Analyse

La première question concerne la définition de la notion d'organisme de droit public au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37. Toutes les parties à la procédure s'accordent pour admettre qu'EBS, en tant que «GmbH» (société à responsabilité limitée de droit autrichien), est dotée de la personnalité juridique et est contrôlée majoritairement par la ville de Vienne, c'est-à-dire par une collectivité territoriale.

Le seul point litigieux est de savoir dans quelle mesure EBS répond également au troisième critère de la définition légale donnée par la directive, c'est-à-dire si elle a été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Les parties considèrent unanimement qu'EBS satisfait effectivement, avec l'exploitation de la station centrale d'épuration, un besoin d'intérêt général. Eu égard à l'arrêt BFI Holding, dans lequel l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères ont été considérés comme un besoin d'intérêt général (14), on ne peut que se rallier à cette analyse. Les coûts occasionnés dans le cadre de cette mission étant remboursés par la ville de Vienne à EBS, qui n'assume donc pas le risque lié aux coûts, il s'agit également de la satisfaction d'un besoin ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial (15), ce qui est aussi le point de vue du Vergabekontrollsenat à l'origine du renvoi.

En revanche, les analyses divergent s'agissant de la question de savoir dans quelle mesure EBS peut être considérée comme ayant été «créé[e] [...] spécifiquement» pour satisfaire des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Selon les constatations du Vergabekontrollsenat à l'origine du renvoi, EBS a été fondée en 1976 pour assurer sur une base commerciale l'élimination des déchets toxiques. Rien dans ses statuts, dans leur version initiale, ne laissait entendre que sa création visait à satisfaire des besoins d'intérêt général, ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Dès lors, si l'on s'en tient uniquement aux statuts, tels qu'ils se présentaient à la date de la création d'EBS, celle-ci ne remplit pas les conditions posées par la directive 93/37 pour être qualifiée d'organisme de droit public.

Ce n'est qu'en 1986 qu'EBS a pris en charge la mission d'exploitation de la station d'épuration. Cette extension de son champ d'activités n'a pas donné lieu pour autant à une modification des données statutaires relatives à son objet social. Même par la suite et en particulier en 1996, date à laquelle elle a conclu avec la ville de Vienne une convention en vue de l'extension de la station d'épuration, ce qui est à l'origine du litige au principal, l'indication statutaire de l'objet social n'a subi aucune modification. Par conséquent, si l'on s'en tenait aux seuls statuts comme élément déterminant pour résoudre la question soulevée dans le cadre de cette affaire, EBS ne pourrait être qualifiée de pouvoir adjudicateur au sens de la directive 93/37.

Néanmoins, étant donné qu'EBS exerce effectivement depuis 1986 des missions d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, la conclusion qui résulte de l'analyse des statuts semble sujette à caution. Les demandeurs au principal, de même que le gouvernement autrichien, font donc appel à une analyse «fonctionnelle» de la notion d'organisme de droit public et proposent de prendre en compte cette modification effective intervenue ultérieurement dans les missions assurées par EBS et de qualifier celle-ci, indépendamment de ses dispositions statutaires, d'organisme public.

Le critère de la création ayant pour but spécifique de satisfaire des besoins d'intérêt général a jusqu'ici été examiné par la Cour dans deux affaires en particulier. Dans l'affaire Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C-44/96, Rec. p. I-73), qui concernait l'imprimerie nationale autrichienne («Österreichische Staatsdruckerei»), et dans l'affaire BFI Holding. Dans son arrêt Mannesmann Anlagenbau Austria e.a., la Cour s'est intéressée à l'acte constitutif de l'imprimerie nationale, le Bundesgesetz über die Österreichische Staatsdruckerei. Outre cette analyse des bases juridiques de l'imprimerie, elle a cependant également tenu compte des circonstances factuelles, et plus précisément du fait que celle-ci avait également pris en charge par la suite d'autres missions à caractère industriel ou commercial. La Cour a constaté à cet égard qu'un organisme, dès lors qu'il continue à se charger des besoins qu'il est spécifiquement obligé de satisfaire, ne perd pas sa qualité d'organisme de droit public du fait qu'il accomplit également d'autres activités (16). Dans la lignée de cette jurisprudence, la Cour a ensuite jugé, dans l'affaire BFI Holding, qu'il est également sans pertinence que la satisfaction des besoins d'intérêt général ne constitue qu'une partie relativement peu importante des activités entreprises par cette entité, dès lors qu'elle continue à se charger de tels besoins (17).

Cette jurisprudence autorise tout d'abord deux constatations. Elle implique, d'une part, de ne pas envisager uniquement la date de création mais de tenir compte aussi de l'évolution ultérieure de l'organisme. D'autre part, outre les modifications juridiques, les modifications factuelles concernant les besoins assumés doivent être prises en compte. Par conséquent, peu importe que les statuts initiaux de 1976 n'indiquent pas qu'EBS a été créée spécifiquement pour satisfaire des besoins d'intérêt général. La date de création n'est pas décisive puisque ce sont au contraire les développements ultérieurs qui doivent être pris en compte. De même, le fait que les statuts d'EBS n'aient pas par la suite été modifiés en conséquence n'exclut pas de la qualifier néanmoins d'organisme public. Il y a lieu de tenir compte, pour sa qualification, de la circonstance qu'elle a effectivement pris en charge par la suite l'exploitation et l'extension de la station d'épuration.

À la lumière des arrêts cités, le fait qu'EBS continue à assurer, outre l'exploitation de la station d'épuration, l'élimination des déchets toxiques sur une base commerciale n'exclut pas non plus de la qualifier d'organisme public au sens de la directive 93/37. EBS peut satisfaire simultanément des besoins à caractère industriel ou commercial et des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Peu importe même qu'elle satisfasse principalement des besoins d'intérêt général. La part de l'activité n'ayant pas un caractère industriel ou commercial par rapport à celle de l'activité industrielle ou commerciale est sans incidence sur la qualification de l'organisme (18).

La Cour a en outre jugé que la qualification d'organisme de droit public s'étend à toutes les activités exercées par une entité (19). Cette jurisprudence doit être approuvée. La qualification de l'organisme concerné doit respecter la sécurité juridique. Faire varier la qualification selon les différents besoins satisfaits n'est donc pas compatible avec ce principe. La proposition subsidiaire d'EBS, suggérant de ne la considérer comme un pouvoir adjudicateur que pour autant qu'elle exploite la station d'épuration doit donc être rejetée faute d'être compatible avec cette jurisprudence.

On relèvera néanmoins que l'affaire Mannesmann Anlagenbau Austria e.a., contrairement à la présente affaire, concernait une entreprise qui avait sans conteste été tout d'abord créée spécifiquement pour satisfaire des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Ce n'est que par la suite que des activités industrielles ou commerciales avaient été exercées. C'est exactement l'inverse qui s'est produit pour EBS. Elle a été créée à des fins commerciales et n'a assumé que par la suite des tâches d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial. Il convient donc d'examiner si une entreprise peut acquérir également ultérieurement la qualité de pouvoir adjudicateur.

Cette possibilité semble tout d'abord exclue par le libellé de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37. Cette disposition exige expressément que l'organisme concerné ait été créé spécifiquement pour satisfaire des besoins d'intérêt général. C'est donc la date de création qui devrait être prise en considération ou au moins l'acte constitutif. Toutefois, il est clair qu'EBS n'a pas été créée spécifiquement pour gérer la station d'épuration de la ville de Vienne et que cet objet n'a en aucune manière été intégré ultérieurement dans ses statuts, lorsqu'elle a effectivement pris en charge cette mission.

Il convient dans ces conditions de se rallier à l'analyse du gouvernement néerlandais lorsqu'il considère que le libellé de l'article 1er, sous b), de la directive ne réduit pas l'analyse juridique à l'examen de l'acte constitutif de l'organisme. D'autres sources peuvent révéler les finalités ayant présidé à la création d'une entité (20).

Il convient simplement d'exiger, avec le gouvernement néerlandais et la Commission, que l'on puisse objectivement constater que l'organisme existe spécifiquement - et n'a donc pas seulement été créé à cette fin car les évolutions ultérieures doivent en effet être prises en compte - pour la satisfaction de besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial.

EBS s'est vu confier ses missions d'intérêt général à travers la conclusion d'un contrat avec la ville de Vienne. Un contrat constitue une circonstance objective identifiable par un observateur objectif aussi aisément que des statuts ou une loi. Nous ne voyons donc aucune raison de ne pas faire appel à ce contrat, ou plus exactement aux deux contrats conclus entre EBS et la ville de Vienne en 1986 et en 1996, pour définir l'objet d'EBS. En effet, le texte de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37, comme nous l'avons déjà dit, n'implique pas de s'en tenir à la seule analyse de l'acte constitutif de l'organisme. Cette interprétation du texte de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37 pourrait permettre de considérer qu'EBS est un organisme de droit public au sens de cette disposition.

La considération suivante tend également à exclure la seule prise en compte de l'acte constitutif. L'application des dispositions relatives aux marchés publics ne saurait dépendre d'actes relevant du droit des sociétés tels que les statuts d'une société. La question de savoir si ces statuts, au sens du droit des sociétés, reflètent fidèlement l'objet de la société à la date de sa création ou s'ils ont éventuellement été adaptés pour correspondre au changement des circonstances factuelles relève uniquement du droit des sociétés. L'interprétation des normes relatives à la passation des marchés ne saurait en dépendre, faute de quoi, l'application de ces dispositions relèverait du bon vouloir des associés. Il y a donc lieu d'exiger que l'acte constitutif ou les statuts sociaux ne soient pas seuls pris en compte mais également toutes les circonstances objectivement identifiables, dont peut aussi faire partie un contrat, tel que celui conclu entre EBS et la ville de Vienne.

À titre de conclusion intermédiaire, il reste à observer que l'analyse du libellé de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37 ne répond pas sans équivoque à la question posée.

L'économie de cette disposition et de la directive dans son ensemble ne nous aide guère non plus dans la recherche d'une réponse à la question posée en l'occurrence.

La genèse de cette disposition plaide en faveur de la qualification d'EBS comme organisme de droit public. La définition légale de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37 a été introduite à l'initiative du Parlement européen. Dans sa proposition, la Commission parlait simplement de «personnes morales» et non d'organismes de droit public (21). Afin de favoriser une application aussi générale que possible de la directive aux marchés de travaux, le Parlement a introduit la notion d'«organisme de droit public» (en allemand «Organ des öffentlichen Rechts», devenu par la suite «Einrichtung des öffentlichen Rechts») (22). L'adoption de cette définition légale devait remplacer les listes devant être établies en vertu de l'article 1er, sous b), de la directive 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), et qui fixaient le cercle des pouvoirs adjudicateurs. Cette définition devait assurer la pleine application de la directive (23). L'intention était d'étendre le champ d'application de la directive également aux travaux réalisés par des tiers et financés en tout ou partie, directement ou indirectement, par des fonds publics (24).

Les coûts de l'extension de la station d'épuration sont remboursés indirectement par la ville de Vienne, conformément au point IV.2 du contrat du 8 juillet 1996, comme EBS elle-même le concède. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur dans la formulation de cette définition, à savoir soumettre aux règles relatives aux marchés publics tous les projets financés par des fonds publics, il y a lieu de considérer EBS comme un organisme de droit public au sens de l'article 1er de la directive 93/37.

Cette conclusion correspond également à la ratio legis de la directive 93/37. Selon son deuxième considérant, cette directive a pour objet la réalisation simultanée de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services en matière de marchés publics de travaux. Elle est censée contenir le risque qu'une préférence soit donnée aux soumissionnaires ou candidats nationaux lors de toute passation de marchés et donc contribuer à la création d'un marché intérieur des prestations de travaux. Pour vérifier que les conditions nécessaires pour que l'on soit en présence d'un organisme de droit public sont réunies, l'élément déterminant est de savoir s'il y a un risque que l'organisme se laisse guider dans ses décisions par des considérations autres qu'économiques (25). Si tel est le cas, il existe un risque pour la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services qui justifie l'application de la directive (26). Se pose donc en définitive la question de savoir si l'organisme supporte le risque économique de son activité (27). Dans l'affirmative, il n'y a aucun risque pour la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, dans la négative, il s'avère nécessaire d'appliquer les directives relatives aux marchés publics et, à travers cette application, de protéger les libertés fondamentales.

Selon la convention conclue en 1996 avec la ville de Vienne, EBS n'a pas à supporter le risque financier de l'exploitation de la station d'épuration ni celui de l'extension convenue. Cette extension doit certes être réalisée en son nom propre et pour son propre compte (voir le point I.2 du contrat du 8 juillet 1996) mais, en vertu du point IV.1 du contrat, le montant que la ville de Vienne doit acquitter est censé compenser «[...] toutes les dépenses occasionnées par l'extension et l'exploitation des installations, en ce compris les constructions d'égouts liées au projet, déduction faite des sommes perçues par EBS ...». Ce financement des travaux d'extension par la ville de Vienne implique le risque que des facteurs autres qu'économiques guident EBS dans l'attribution du marché. La liberté d'établissement et la libre prestation de services ont donc besoin d'être préservées à travers l'application de la directive 93/37.

Eu égard à la ratio legis de la directive que nous venons d'évoquer, le cas de la création d'une entité à des fins industrielles ou commerciales et d'une prise en charge ultérieure d'activités ayant des fins autres qu'industrielles ou commerciales ne peut être traité différemment des cas déjà jugés par la Cour et que nous avons précédemment évoqués, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. et BFI Holding, dans lesquels les missions d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial de l'organisme concerné étaient assurées dès le début de son activité, les missions industrielles ou commerciales ne s'étant ajoutées que par la suite. En effet, peu importe le moment où apparaît la menace pour les libertés fondamentales. Il suffit que cette menace existe.

Cependant, c'est surtout l'idée qu'il s'agit là de la seule façon de contenir de manière générale ce risque de voir contournées les dispositions relatives aux marchés publics qui plaide en faveur de cette thèse. Si seules comptaient les missions initialement assurées, il serait aisé de contourner l'application des dispositions relatives aux marchés publics en confiant dans un premier temps des missions industrielles ou commerciales à une entité, puis, seulement dans un deuxième temps, des missions autres qu'industrielles ou commerciales. Il y a lieu d'empêcher ce contournement, dont la possibilité reste sinon ouverte, dès lors que l'on entend donner un effet utile aux dispositions relatives à la passation des marchés publics de travaux. S'il en était autrement, la directive perdrait tout son sens.

Le juge de renvoi a certes expressément exclu, dans sa demande de décision préjudicielle, toute intention de la ville de Vienne de contourner en l'espèce la directive. Toutefois, l'interprétation de l'article 1er de la directive ne saurait dépendre de la question de savoir si, dans le cadre des faits à l'origine du renvoi préjudiciel, il existe concrètement un risque que ces dispositions soient contournées. En matière préjudicielle, la Cour statue sur l'interprétation du droit communautaire, dont la portée dépasse le cadre du cas d'espèce dont elle est saisie.

Il y a lieu de constater, à la lumière des considérations qui précèdent, que la prise en charge effective de la satisfaction de besoins d'intérêt général sur la base de circonstances objectivement identifiables, telles que la conclusion d'un accord contractuel, doit être assimilée à une création pour cette fin spécifique. Nous proposons donc d'apporter la réponse suivante à la première question:

Une personne morale qui n'a pas été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général mais qui assure toutefois ultérieurement effectivement la satisfaction de tels besoins doit également être considérée comme pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37, à condition que la prise en charge de ces besoins repose sur des circonstances objectivement identifiables.

3. Sur la deuxième question

Par la deuxième question, le juge de renvoi souhaite savoir si le projet d'extension de la station d'épuration constitue un marché de travaux. Cette question n'a été posée que pour le cas où EBS ne devrait pas être qualifiée d'organisme public au sens de la directive 93/37. Puisque nous avons répondu par l'affirmative à cette question ci-dessus, ce n'est qu'à titre subsidiaire que nous abordons la deuxième question, pour le cas où la Cour ne suivrait pas notre proposition de réponse à la première question et ne considérerait pas EBS comme un organisme public au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37.

a) Argumentation des parties

Le groupement d'entreprises et le gouvernement autrichien estiment qu'il s'agit d'un marché public de travaux. Le premier élément plaidant en ce sens est selon eux que la station d'épuration communale est construite sur un terrain de la commune. En outre, en cas de dénonciation du contrat de concession, la municipalité est tenue de racheter la station. La construction répond donc aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur (la ville de Vienne), l'extension de la station d'épuration servant à satisfaire un besoin d'intérêt général, à la satisfaction duquel la ville de Vienne a un intérêt. Par ailleurs, un certain mode de fonctionnement de la station d'épuration est prescrit, car le nouvel ouvrage doit être adapté à l'installation existante.

EBS estime au contraire qu'il ne s'agit pas d'un marché public de travaux. Elle est chargée de faire réaliser les travaux d'extension en son nom et pour son compte. La ville de Vienne n'a pas non plus d'influence sur l'aménagement concret des travaux d'extension ni sur la procédure d'attribution elle-même. EBS décide seule de l'exécution technique et de la construction de l'extension de la station d'épuration. Enfin, elle signale que le remboursement du coût de l'extension s'effectue seulement indirectement conformément aux clauses généralement applicables à l'exploitation des stations d'épuration.

La Commission considère elle aussi qu'EBS n'attribue pas un marché public de travaux. Un tel marché peut tout au plus exister en l'occurrence entre EBS et la ville de Vienne. Toutefois, aux yeux de la Commission, l'épuration des eaux usées, assurée par EBS et dans le cadre de laquelle s'inscrit également l'extension de la station d'épuration, constitue un marché de services et non de travaux; elle propose donc de répondre négativement à la deuxième question déférée.

Le gouvernement néerlandais ne répond qu'en termes généraux. Selon lui, le critère déterminant pour décider de l'existence d'un marché public de travaux est de savoir si le pouvoir adjudicateur a défini des exigences spécifiques et si les ouvrages doivent devenir la propriété du pouvoir adjudicateur. En outre, un marché public de travaux doit toujours être exécuté sur la base d'une commande spécifique du pouvoir adjudicateur.

b) Analyse

Selon la définition légale de l'article 1er, sous a), de la directive 93/37, les «marchés publics de travaux» sont «des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d'une part, un entrepreneur et, d'autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l'annexe II ou d'un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur». L'examen de la question préjudicielle implique à présent de supposer qu'EBS est une entreprise au sens de cette disposition et non - contrairement à ce que nous avons dit dans le cadre de la discussion relative à la première question - un pouvoir adjudicateur. L'accord contractuel écrit pertinent est le contrat conclu avec la ville de Vienne, une collectivité territoriale et donc un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37, dans lequel EBS s'est engagée, en 1996, à assurer l'extension de la station d'épuration qui lui a été donnée en concession et qu'elle exploite. Aux termes du point IV de cette convention, la ville de Vienne s'engage à verser à EBS une somme appropriée et unique pour l'exploitation et pour couvrir les coûts occasionnés par l'extension; il s'agit donc d'un contrat à titre onéreux.

La question préjudicielle vise donc à savoir dans quelle mesure ce contrat a pour objet «la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur». Les parties au principal s'opposent tant sur la question de savoir si le contrat a pour objet la réalisation d'un ouvrage que sur celle de savoir si cet ouvrage répond aux besoins précisés par la ville de Vienne.

La Commission doute que le contrat ait pour objet la réalisation d'un ouvrage et estime qu'il s'agit plutôt d'un contrat de services. On doit constater à cet égard que, conformément au point I.2 du contrat, EBS s'engage à procéder à l'extension des installations de la station centrale d'épuration de la ville de Vienne. En vertu du point II.1 de ce même contrat, elle s'engage à assurer en outre l'épuration des eaux usées, l'élimination des boues de décantation et l'élimination de tous les déchets toxiques apportés par la ville de Vienne. L'élimination des déchets et l'épuration des eaux usées constituent, en vertu de l'annexe I A, catégorie 16, de la directive 92/50/CEE (28), des prestations de services au sens de l'article 8 de cette même directive soumises à une procédure d'appel d'offres spécifique. Par conséquent, pour ce qui est des engagements pris sous le point II.1, la convention de 1996 ne constitue pas un marché de travaux.

Reste donc à savoir si, en revanche, l'obligation d'extension des installations existantes mentionnée sous le point I.2 peut être considérée comme un marché de travaux au sens de la directive 93/37. Cette obligation porte certes sur la réalisation d'un ouvrage mais encore faut-il qu'il réponde aux besoins précisés par la ville de Vienne. On peut citer, comme élément plaidant en faveur de cette analyse, le fait que l'extension est décrite au moins en ce qui concerne sa fonction. Elle doit être en mesure d'assurer l'épuration des eaux usées produites jusqu'à 18 m3/s (point II.1). On peut mentionner par ailleurs, pour étayer l'idée qu'il s'agit d'une convention sur la réalisation d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur, qu'il s'agit de procéder à l'extension d'une station centrale d'épuration communale, c'est-à-dire d'une entité dont le fonctionnement relève en définitive de la responsabilité de la ville de Vienne au titre des services d'intérêt général. La prise en charge des coûts (point IV), la mise à disposition du personnel nécessaire (point I.3) et l'obligation de rachat pesant sur la commune en cas de dénonciation du contrat de concession sont le reflet de cette responsabilité (voir la déclaration d'EBS du 8 septembre 1996 citée dans l'ordonnance de renvoi).

Il n'en demeure pas moins que la convention de 1996 ne prescrit qu'un élément du mode de fonctionnement de l'installation devant être étendue en prévoyant une capacité de 18 m3/s. Elle ne contient cependant aucune précision sur l'aménagement concret et en particulier sur l'exécution technique et la construction. Il est à tout le moins douteux que cela suffise pour qu'il s'agisse de la réalisation d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. À cela s'ajoute que les marchés relatifs aux travaux nécessaires doivent être passés par EBS en son nom et pour son compte (point I.2). Il ne ressort pas du dossier que la ville de Vienne intervient d'une manière ou d'une autre dans la rédaction des cahiers des charges ou dans la passation des différents marchés, en d'autres termes, elle ne peut, dans la suite de la procédure de passation, préciser sa prescription générale concernant la capacité. Dans l'affaire Gestión Hotelera Internacional, tant l'avocat général dans ses conclusions que la Cour dans son arrêt avaient souligné que les travaux à effectuer doivent être décrits précisément pour que l'on puisse parler d'un marché de travaux (29). Cependant, la convention de 1996 ne contient aucune description des travaux mais simplement le résultat à obtenir. On ne saurait par conséquent considérer qu'elle constitue un marché public de travaux.

Dans le seul but d'être complet, nous ajouterons que, même si l'on voulait considérer que l'indication de la finalité des travaux est suffisante, encore faudrait-il vérifier un autre point: comme nous l'avons constaté ci-dessus, la convention de 1996 contient également des éléments caractéristiques d'un contrat de prestation de services. Selon le seizième considérant de la directive 92/50, il résulte de la directive 71/305 qu'«un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet consiste à réaliser un ouvrage; que, pour autant que ces travaux sont accessoires et ne forment pas l'objet du contrat, ils ne peuvent justifier la classification du contrat comme marché public de travaux». Selon la jurisprudence issue de l'affaire Gestión Hotelera Internacional, le juge de renvoi devrait donc vérifier si l'éventuelle obligation de réaliser un ouvrage est prédominante par rapport à l'obligation contractuelle relative aux services (30).

Sans préjuger de l'appréciation de la juridiction nationale, il sera difficile de conclure que les travaux prédominent au vu des circonstances de la présente affaire. La convention se présente plutôt comme la poursuite d'une collaboration établie depuis dix ans et l'ouvrage à réaliser, à supposer qu'il puisse être qualifié comme tel, porte sur l'adaptation des capacités existantes aux circonstances nouvelles. Il devrait donc s'agir principalement d'un renouvellement de la prise en charge des missions d'élimination des déchets et d'épuration des eaux usées qui, comme nous l'avons déjà exposé, sont des prestations de services.

Nous proposons par conséquent, à titre subsidiaire, de répondre comme suit à la deuxième question préjudicielle:

Des dispositions contractuelles qui ne décrivent l'ouvrage qu'au regard de la fonction qui lui est assignée et ont en même temps pour objet la poursuite d'un marché de services existant ne constituent pas un marché public de travaux au sens de l'article er, sous a), de la directive 93/37.

4. Sur la troisième question

Par sa troisième question, le Vergabekontrollsenat souhaite savoir si les délais de forclusion de deux semaines prévus à l'article 98 du WLVergG sont compatibles avec la directive 89/665 (31).

a) Argumentation des parties

Universale et le groupement d'entreprises sont d'avis que les délais de recours prévus dans le WLVergG sont trop brefs. Selon Universale, les participants étrangers ne peuvent pas, en règle générale, tenir ce délai, ce qui est contraire, d'une part, à l'objectif d'une attribution non discriminatoire des marchés publics, et, d'autre part, à l'objectif d'un accès des entreprises à un marché commun aux larges débouchés, renforçant la compétitivité des entreprises européennes. Pour preuve du bien-fondé de son analyse, elle relève que le délai a entre-temps été porté à quatre semaines. Elle souligne en outre, s'agissant des faits, qu'elle n'a pu déceler l'erreur figurant dans l'appel d'offres qu'en consultant le dossier d'évaluation des pièces présentées, alors que le pouvoir adjudicateur avait déjà refusé sa candidature et après l'expiration du délai de deux semaines. Le groupement d'entreprises ajoute qu'il est impossible aux soumissionnaires de vérifier, dans le bref délai de recours, les motifs d'une décision négative du pouvoir adjudicateur et d'établir le caractère trompeur des raisons avancées. En outre, l'obligation d'informer préalablement le pouvoir adjudicateur de l'intention d'introduire un recours, prescrite par les articles 96 et 97 du WLVergG, a pour effet que le délai de deux semaines, qui court à compter de la notification de la décision de rejet, est déjà expiré lorsque le pouvoir adjudicateur répond au candidat.

EBS invoque en revanche le pouvoir discrétionnaire que la directive 89/665 a reconnu aux États membres. Le législateur communautaire a simplement précisé selon elle que les décisions des instances d'adjudication doivent faire l'objet d'un recours aussi rapide que possible (article 1er, paragraphe 1), que toute personne ayant un intérêt à obtenir un marché et risquant d'être lésée par une violation alléguée doit avoir accès à une procédure de recours (article 1er, paragraphe 3), que les États membres peuvent exiger l'information préalable du pouvoir adjudicateur (article 1er, paragraphe 3), et, enfin, que la possibilité de recours en référé doit être assurée, que les décisions illégales doivent pouvoir être annulées et que les personnes lésées par une violation doivent pouvoir obtenir des dommages-intérêts (article 2, paragraphe 1). De l'avis d'EBS, les délais courts sont conformes à l'objectif mentionné sous le cinquième considérant de la directive, à savoir que la passation des marchés publics ne doit pas être exagérément retardée. Toutefois, les modalités procédurales nationales ne doivent pas rendre pratiquement impossible l'application du droit communautaire. Pour finir, EBS signale qu'un délai de recours de deux semaines pour les actes administratifs reste en général la règle, citant à l'appui de cette affirmation l'article 63, paragraphe 5, de l'Allgemeine Verwaltungsverfahrensgesetz qui dispose que toute décision d'une autorité administrative doit être contestée dans le délai de deux semaines, et l'article 403, paragraphe 3, de l'EO (32), qui prévoit selon elle que les ordonnances de référé des juridictions civiles doivent être contestées dans les deux semaines.

Les gouvernements autrichien et néerlandais de même que la Commission relèvent tout d'abord que la directive 89/665 ne prescrit elle-même aucun délai mais impose de simples exigences minimales. Les États membres disposent d'une marge d'appréciation pour déterminer les délais de recours. Tous trois soulignent toutefois que la directive exige des voies de recours effectives. Le gouvernement autrichien observe en outre que les délais de recours entraînent une accélération de la procédure et réduisent le risque d'un recours abusif à la procédure contentieuse, deux effets conformes aux objectifs de la directive 89/665. La Commission demande en outre que les voies de recours ne soient pas moins favorables que celles des recours similaires qui ne concernent que le droit national.

b) Analyse

Il convient tout d'abord de constater, s'agissant du délai au-delà duquel, aux termes du WLVergG, les dispositions de l'avis public de marché ne peuvent plus être attaquées, que la directive 89/665 se contente de soumettre les voies de recours devant être garanties à certaines exigences minimales. Elle ne contient ni prescriptions relatives aux délais pour contester certains actes ni dispositions relatives à la faculté pour la législation nationale de transposition de prévoir ou non des règles de forclusion.

La Cour a jugé, en matière d'action en restitution de taxes indûment payées, que, en l'absence de dispositions communautaires, c'est aux États membres qu'il appartient d'adopter les modalités procédurales sur la base desquelles les citoyens de l'Union peuvent faire valoir leurs droits d'origine communautaire. Toutefois, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et elles ne doivent pas rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (33). La Cour a également jugé que la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique est en principe compatible avec le principe d'effectivité. De tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (34). En l'absence de réglementation communautaire de la question des délais de forclusion, les délais de recours prescrits par le WLVergG, conformément à cette jurisprudence, n'offrent pas matière, en principe, à contestation. Le législateur national dispose à cet égard d'une marge d'appréciation.

La directive mentionne toutefois, entre autres, les objectifs suivants, qui doivent être atteints par les mesures de transposition et dont la réalisation ne saurait être compromise par les dispositions adoptées en matière de forclusion. Les décisions prises par les instances adjudicatrices doivent pouvoir faire l'objet de recours efficaces et aussi rapides que possible (article 1er, paragraphe 1); les États membres peuvent exiger que le pouvoir adjudicateur soit préalablement informé de l'intention d'introduire un recours (article 1er, paragraphe 3); le législateur doit prévoir la possibilité d'obtenir des mesures en référé ainsi que l'annulation des décisions illégales et l'octroi de dommages-intérêts (article 2, paragraphe 1).

Cependant, la garantie d'une voie de recours effective au sens de la directive 89/665 suppose que les délais ne rendent pas pratiquement impossible l'exercice du droit de recours. On ne saurait donc admettre des délais si courts que les soumissionnaires et candidats seraient dans l'incapacité d'exercer leurs droits. Étant donné que la directive, ainsi que cela ressort de son article 1er, paragraphe 1, exige que les recours contre les décisions de l'autorité adjudicatrice soient aussi rapides que possible, le délai de deux semaines prévu par le WLVergG ne nous semble pas excessif. Il devrait en particulier pouvoir en principe être respecté également par les candidats étrangers et laisser suffisamment de temps aux candidats concernés pour se rendre compte d'une éventuelle violation de leurs droits. La prescription de délais de forclusion dans les dispositions procédurales sert également la sécurité juridique. Les candidats ayant obtenu une décision en leur faveur doivent pouvoir se fier au maintien de leurs droits.

C'est au juge de renvoi, dans le cadre de l'analyse du droit national, qu'il appartient d'examiner dans quelle mesure ce droit de recours équivaut à celui accordé en droit national pour l'application des droits conférés par les dispositions nationales et dans quelle mesure, par conséquent, le principe d'équivalence est respecté. L'ordonnance de renvoi ne contient sur ce point aucune information. Il n'y a toutefois pas lieu, a priori, d'émettre des réserves, si l'on s'en tient aux observations des parties et notamment aux délais de recours prévus dans l'Allgemeine Verwaltungsverfahrensgesetz, auquel EBS a fait allusion. Le juge de renvoi doit également examiner, dans le cadre de son analyse, si le recours ne peut être déposé qu'avec accusé de réception ou également, par exemple, par télécopie ou par courrier électronique. La forme à respecter influe sur la longueur du délai imparti.

S'agissant du grief soulevé par le groupement d'entreprises, qui estime que l'obligation faite par les articles 96 et 97 du WLVergG d'informer préalablement le pouvoir adjudicateur a pour effet que le délai de recours de l'article 98 est déjà expiré lorsque le pouvoir adjudicateur répond au candidat, on relèvera qu'un chevauchement des délais semble pratiquement impossible. Les articles 96 et 97 du WLVergG concernent un délai qui précède l'attribution du marché tandis que les délais de l'article 98, paragraphes 1 et 3, du WLVergG concernent des délais postérieurs à l'attribution du marché. Le délai du paragraphe 2 de ce même article ne recèle guère lui non plus de risque de conflit de délais. En effet, s'il s'agit bien dans ce cas d'un délai qui précède l'expiration du délai de candidature et donc également l'attribution du marché, le délai prescrit par l'article 98 s'applique aux recours contre les dispositions de l'avis public de marché. Le délai fixé à l'article 96 concerne en revanche «une décision prise par le pouvoir adjudicateur pour l'attribution d'un marché». Il appartient au Vergabekontrollsenat à l'origine du renvoi de déterminer, à la lumière de son droit national, dans quelle mesure l'avis public de marché peut également correspondre à une telle «décision». Si c'est le cas, alors seulement des chevauchements de délais seraient possibles, ce qui pourrait poser problème au regard de l'effectivité des voies de recours ouvertes. Cette conclusion n'est toutefois nullement dictée par le libellé des dispositions du WLVergG.

Nous proposons donc de répondre comme suit à la troisième question préjudicielle:

La directive 89/665 ne fait pas obstacle à une réglementation nationale qui soumet le recours contre une décision donnée du pouvoir adjudicateur à un délai, de sorte que, passé ce délai, cette décision ne peut plus être contestée par la suite au cours de la procédure d'adjudication, à condition que les voies de recours ouvertes ne soient pas moins favorables que pour les droits comparables conférés par les ordres juridiques nationaux et que l'exercice des droits conférés par la directive 89/665 ne soit pas rendu pratiquement impossible. Toute irrégularité de la procédure doit donc être soulevée par les intéressés lésés sous peine de forclusion.

5. Sur la quatrième question

La quatrième question du Vergabekontrollsenat concerne le contenu de l'avis de marché devant être publié. Il s'agit de déterminer si et dans quelle mesure les critères de sélection appliqués pour sélectionner les candidats qui seront invités à présenter une offre doivent être communiqués dans l'avis de marché ou dans les documents de l'appel d'offres.

a) Argumentation des parties

S'agissant du procédé de scorage, Universale et le groupement d'entreprises invoquent une violation des principes de transparence et de traçabilité. Selon Universale, la pondération des différents critères de sélection précisés doit figurer clairement dans l'appel d'offres, afin d'éviter toute décision arbitraire. Il y a donc lieu de faire apparaître, dans l'information préalable ou dans les documents de l'appel d'offres, non seulement l'ordre d'importance des critères mais également leur pondération, en d'autres termes, un système objectivement vérifiable, ce que ne garantit pas selon elle le dépôt devant notaire du procédé d'évaluation.

Le gouvernement néerlandais se rallie en définitive à cette analyse. L'évaluation des candidatures doit se faire de manière transparente et objective. Il faut donc selon lui faire connaître à l'avance aux candidats les modalités et les critères d'évaluation des candidatures.

EBS invoque en revanche l'article 30, paragraphe 2, de la directive 93/37 qui prévoit simplement, selon elle, que les critères d'attribution doivent être indiqués, «si possible» - il ne s'agit donc pas d'une obligation -, dans l'ordre de leur importance. Il n'existe pas non plus en droit communautaire de règle de transparence totale. Le dépôt du procédé de notation auprès d'un notaire n'a donc pas à être mis en cause.

Le gouvernement autrichien et la Commission relèvent eux aussi que la directive 93/37 ne contient pas de dispositions spécifiques sur l'évaluation des demandes de participation résultant d'un appel public d'offres à l'intention de candidats retenus dans le cadre d'une procédure restreinte. Le gouvernement autrichien mentionne l'article 22 de la directive 93/37 qui ne fixe aucune règle s'agissant du procédé de sélection des candidats. Le procédé retenu doit être conçu de manière objective et non discriminatoire, conformément aux principes généraux applicables. Il n'y a cependant aucune obligation de publier à l'avance dans les documents de l'appel d'offres la grille d'évaluation appliquée pour sélectionner les candidats qui seront invités à soumissionner. La Commission relève que, aux termes de l'article 11, paragraphe 6, de la directive, seules certaines conditions peuvent être exigées. La décision de sélection doit se fonder sur ces documents.

b) Analyse

S'agissant de cette quatrième question, on peut constater tout d'abord que la directive 93/37 ne précise pas expressément dans quelle mesure le procédé d'évaluation appliqué par le pouvoir adjudicateur doit être détaillé dans l'avis de passation de marché selon une procédure restreinte ou dans les documents de l'appel d'offres.

Plusieurs dispositions de la directive contiennent toutefois des prescriptions sur l'indication des critères de sélection. En vertu de l'article 7, paragraphe 2, la procédure négociée suppose que les candidats aient été sélectionnés selon des critères qualitatifs connus. Il s'ensuit que ces critères doivent être communiqués mais non pas qu'il faille également faire connaître le procédé d'évaluation appliqué pour les différents critères.

L'article 11, paragraphe 6, définit les conditions que le pouvoir adjudicateur peut exiger des candidats. Comme l'a relevé à juste titre la Commission, on peut en déduire les critères pouvant être retenus pour la sélection des candidats. Toutefois, cette disposition ne précise pas s'il y a lieu de porter à la connaissance des candidats le procédé qui sera appliqué pour évaluer les différentes informations communiquées.

L'article 13, paragraphe 2, énumère les indications minimales devant figurer dans la lettre d'invitation à présenter une offre dans le cadre d'une procédure restreinte. Aux termes du paragraphe 2, sous e), les critères d'attribution du marché font partie de ces indications. Mais cette disposition n'exige pas elle non plus que le pouvoir adjudicateur fasse connaître le système d'évaluation qu'il appliquera.

Les articles 18 et 22 précisent que les candidats invités à présenter une offre dans le cadre d'une procédure restreinte doivent être sélectionnés au regard des renseignements concernant la situation personnelle de l'entrepreneur ainsi que des renseignements et des formalités nécessaires à l'évaluation des conditions minimales de caractère économique et technique à remplir par celui-ci. Ces dispositions sont toutefois muettes elles aussi en ce qui concerne l'évaluation des différents critères.

Enfin, l'article 30 de la directive prescrit en son paragraphe 2 que, dans le cas d'une attribution à l'offre économiquement la plus avantageuse, tous les critères d'attribution dont l'utilisation est prévue doivent être mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché. Ils doivent être indiqués «si possible» dans l'ordre décroissant de l'importance qui leur est attribuée. On peut certes déduire de cette disposition que tous les critères de sélection utilisés doivent être intégralement communiqués mais l'article 30 exige lui aussi simplement que soient indiqués les critères d'attribution. Le texte de cette disposition est déjà assorti d'une restriction puisque cette indication doit suivre «si possible» l'ordre d'importance des critères. Supposons qu'en l'occurrence cela implique en principe l'obligation pour le pouvoir adjudicateur d'énumérer les critères dans cet ordre. Le texte de cette disposition n'impose pas nécessairement cette interprétation. Elle est cependant conforme à la ratio legis de la directive 93/37, à savoir instaurer une plus grande transparence dans l'attribution des marchés publics (voir les dizième à douzième considérants de la directive). Néanmoins, même cette interprétation ne permet pas d'atteindre l'objectif des parties demanderesses au principal. En effet, dès lors que deux critères sont considérés par le pouvoir adjudicateur comme équivalents, l'ordre de leur énumération ne correspond déjà plus à la valeur qui leur est attribuée. En outre, il faut se garder d'assimiler l'«ordre d'importance» et les «modalités d'un procédé de scorage». Il s'ensuit que le strict respect de l'article 30, paragraphe 2, n'exige pas que soient précisées les modalités du procédé de scorage appliqué par EBS. Il y a donc lieu de constater que les dispositions citées de la directive 93/37 n'étayent nullement la thèse des parties demanderesses au principal.

La ratio legis de la directive, à savoir la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services en matière de marchés publics (voir son deuxième considérant), n'offre pas non plus d'éléments favorables à la thèse d'Universale et du groupement d'entreprises. En effet, cet objectif est censé être atteint par la publication des différents marchés de travaux devant être attribués. La quatrième question ne concerne toutefois pas l'annonce de la passation d'un marché de travaux, afin que les entreprises nationales comme les entreprises étrangères puissent dans les mêmes conditions poser leur candidature. Il est plutôt question de la possibilité, au-delà de cette annonce, d'avoir connaissance du système d'appréciation que le pouvoir adjudicateur a l'intention d'utiliser pour sélectionner les candidats.

La procédure suivie par EBS, ayant consisté à indiquer les critères de classement dans l'avis (capacité technique et attribution à l'offre économiquement la plus avantageuse) et à préciser, dans les documents de l'appel d'offres, que les références présentées par les candidats seraient évaluées sur la base d'un procédé déposé auprès d'un notaire, exclut que les candidats nationaux soient avantagés par rapport aux candidats d'autres États membres. En effet, tous les candidats ont connaissance des critères d'attribution mais ignorent les modalités du procédé de scorage. Le respect de l'objectif de transparence prescrit par la directive 93/37 est donc assuré. Le texte applicable ne permet pas de poser d'exigences supplémentaires s'agissant de la publicité de la procédure d'appréciation.

Notre proposition d'une obligation limitée à la communication des critères d'attribution appliqués, si possible dans l'ordre décroissant de leur importance, est non seulement compatible avec le libellé de la directive 93/37 mais répond également à l'objectif de la sélection du «meilleur» soumissionnaire dans le cadre d'une procédure d'adjudication. Si le procédé d'attribution est communiqué à l'avance, on peut s'attendre à ce que les candidats établissent leurs offres en fonction de ces éléments et justifient particulièrement de leur aptitude sur les points dont la cotation est élevée. C'est en effet la seule façon pour eux de faire partie du cercle de ceux qui seront ensuite invités à présenter une offre. Adapter la candidature au procédé de sélection, c'est cependant prendre le risque de fausser l'image que le pouvoir adjudicateur est amené à se faire du candidat en consultant les documents présentés. Cette phase de la procédure a pourtant pour objectif de permettre au pouvoir adjudicateur de se faire une idée générale des capacités du candidat, ce qui sera d'autant plus facile que les candidats présenteront d'eux-mêmes une image aussi complète que possible, certes sur la base des critères d'attribution indiqués mais sans connaître toutefois la méthode de sélection, c'est-à-dire les modalités précises de l'évaluation.

Il est important de souligner que le pouvoir adjudicateur est tenu, aux termes de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 93/37, d'établir un procès-verbal contenant la justification du choix d'un candidat et les motifs de rejet des autres candidats. Cette exigence permet le contrôle juridictionnel de la décision du pouvoir adjudicateur et donc également des critères d'évaluation n'ayant pas été préalablement communiqués. La solution ici exposée tient compte des différents intérêts des parties impliquées dans la procédure de sélection. Elle fait obstacle aux éventuelles discriminations, ne soumet pas la procédure de passation à des exigences de transparence qui ne seraient justifiées ni par le texte de la directive ni par les principes généraux du droit communautaire et seraient donc excessives, et garantit que cette procédure puisse faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.

Nous proposons de répondre comme suit à la quatrième question:

En précisant que l'évaluation des candidatures se fera selon un procédé déposé auprès d'un notaire, l'entité adjudicatrice satisfait aux exigences de la directive 93/37. Les modalités de la pondération des critères de sélection n'ont pas à être communiquées dans l'avis de marché ni dans les documents concernant l'appel d'offres mais doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.

VI - Conclusion

À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons d'apporter les réponses suivantes aux questions posées par le Vergabekontrollsenat Wien:

«1) Une personne morale qui n'a pas été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général mais qui assure toutefois ultérieurement effectivement la satisfaction de tels besoins doit également être considérée comme pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, à condition que la prise en charge de ces besoins repose sur des circonstances objectivement identifiables.

2) Des dispositions contractuelles qui ne décrivent l'ouvrage qu'au regard de la fonction qui lui est assignée et ont en même temps pour objet la poursuite d'un marché de services existant ne constituent pas un marché public de travaux au sens de l'article 1er, sous a), de la directive 93/37.

3) La directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, ne fait pas obstacle à une réglementation nationale qui soumet le recours contre une décision donnée du pouvoir adjudicateur à un délai, de sorte que, passé ce délai, cette décision ne peut plus être contestée par la suite au cours de la procédure d'adjudication, à condition que les voies de recours ouvertes ne soient pas moins favorables que pour les droits comparables conférés par les ordres juridiques nationaux et que l'exercice des droits conférés par la directive 89/665 ne soit pas rendu pratiquement impossible. Toute irrégularité de la procédure doit donc être soulevée par les intéressés lésés sous peine de forclusion.

4) En précisant que l'évaluation des candidatures se fera selon un procédé déposé auprès d'un notaire, l'entité adjudicatrice satisfait aux exigences de la directive 93/37. Les modalités de la pondération des critères de sélection n'ont pas à être communiquées dans l'avis de marché ni dans les documents concernant l'appel d'offres mais doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.»


1: - Langue originale: l'allemand.

2: - JO L 199, p. 154.

3: - JO L 395, p. 33.

4: - LGBL n° 36/1995, dans la version publiée au LGBL n° 30/1999.

5: - L'article 52 du WLVerG concerne les cas de réduction de certains délais pour des raisons d'urgence. Cette hypothèse ne concernait pas l'espèce au principal.

6: - En vertu de l'article 1er, sous f), de la directive 93/37, les procédures restreintes sont «les procédures nationales dans lesquelles seuls les entrepreneurs invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre».

7: - Annexe 3 de l'ordonnance de renvoi, p. 7.

8: - En règle générale, la procédure de scorage correspond au nombre de points obtenus.

9: - Il s'agit, dans la terminologie de la directive 93/37, de l'avis de marché.

10: - Conclusions de l'avocat général Saggio du 24 septembre 1998 dans l'affaire Köllensperger et Atzwanger (arrêt du 4 février 1999, C-103/97, Rec. p. I-551, p. I-553, points 25 à 30).

11: - Arrêt Köllensperger et Atzwanger, précité, points 22 à 25.

12: - Arrêt Köllensperger et Atzwanger, précité, note 10 (point 17, avec d'autres références). Arrêt du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C-54/96, Rec. p. I-4961, point 23).

13: - Précitée, note 10 (point 22).

14: - Arrêt du 10 novembre 1998 (C-360/96, Rec. p. I-6821).

15: - Sur ce critère, voir nos développements dans les conclusions du 30 janvier 2001 dans l'affaire Agorà et Excelsior (arrêt du 10 mai 2001, C-223/99 et C-260/99, Rec. p. I-3605, I-3607, points 57 et suiv.).

16: - Points 25 et 26.

17: - Arrêt BFI Holding (précité, note 14, point 55).

18: - BFI Holding (précité, note 14, point 56).

19: - Arrêt Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (précité au point 31), point 32.

20: - BFI Holding (précité, note 14, point 62).

21: - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 71/305/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux [COM (86) 679 final du 23 décembre 1986, p. 6 et 22].

22: - Amendement n° 4, rapport de la commission économique, monétaire et de la politique industrielle, documents de séance du Parlement européen, 1988-1989, document A 2 - 37/88, p. 6, et exposé des motifs, p. 33.

23: - Ibidem, exposé des motifs, p. 33.

24: - Voir les observations du rapporteur Beumer lors de la séance du Parlement européen du 17 mai 1988, débats du Parlement européen, 17 mai 1988, n° 2-365, p. 83.

25: - Arrêts du 1er février 2001, Commission/France (C-237/99, Rec. p. I-939, point 42), et du 3 octobre 2000, University of Cambridge (C-380/98, Rec. p. I-8035, point 17).

26: - Arrêts Commission/France, précité, note 25, point 41, et University of Cambridge, précité, note 25, point 16.

27: - Voir conclusions dans l'affaire Agorà et Excelsior (précitée, note 15, point 71).

28: - Directive du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).

29: - Arrêt du 19 avril 1994 (C-331/92, Rec. p. I-1329, point 24), et conclusions de l'avocat général (point 41).

30: - Arrêt précité, note 29, point 28.

31: - Précitée, note 3.

32: - «EO» signifie «Exekutionsordnung» (règlement sur les voies d'exécution). La disposition citée ne contient toutefois aucune prescription en matière de délai.

33: - Arrêt du 15 septembre 1998, Edis (C-231/96, Rec. p. I-4951, point 34).

34: - Ibidem (point 35).

Source : http://curia.europa.eu/

Voir également

CJCE, 12 décembre 2002, affaire C-470/99, Universale-Bau AG c/ Entsorgungsbetriebe Simmering GmbH