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CE, 9 novembre 2015, n° 392785, Société Autocars de l'Ile de Beauté

Conseil d’Etat, 9 novembre 2015, n° 392785, Société Autocars de l'Ile de Beauté - Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Le département de la Corse-du-Sud avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché, divisé en lots, ayant pour objet l'exploitation d'un service de transport scolaire. Les candidats avaient notamment été invités à préciser si les véhicules seraient stationnés dans un lieu couvert, cet élément constituant un sous-critère du critère de la valeur technique ; or, le pouvoir adjudicateur n’avait pas demandé aux candidats, que ce soit par le règlement de la consultation ou par tout autre document de la consultation, de produire des justificatifs lui permettant de contrôler effectivement l’exactitude des informations fournies en la matière. En déduisant de ces circonstances que le pouvoir adjudicateur avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000031464491          

Conseil d’État

N° 392785

ECLI:FR:CESSR:2015:392785.20151109

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[...]

lecture du lundi 9 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Les Autocars Roger Ceccaldi a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, d’une part, d’annuler les décisions de la commission d’appel d’offres du département de la Corse-du-Sud du 7 juillet 2015 rejetant ses offres pour les lots nos 127 (Ajaccio-Vico) et 132 (Porto-Ota) du marché passé par le département de la Corse-du-Sud pour l’exploitation d’un service de transport scolaire et, d’autre part, d’enjoindre au département de reprendre la procédure de passation afférente à deux des lots au stade de l’examen des offres.

Par une ordonnance n° 1500638 du 4 août 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a annulé, s’agissant du lot n° 127, la décision de la commission d’appel d’offres du 10 juin 2015 déclarant infructueuse la procédure d’appel d’offres ainsi que la procédure négociée ultérieure et, s’agissant du lot n° 132, l’intégralité de la procédure.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 août, 1er septembre et 20 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Autocars de l’Ile de Beauté, attributaire des deux lots en cause, demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Les Autocars Roger Ceccaldi la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société Autocars de l’Ile de Beauté et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Autocars Roger Ceccaldi ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 23 octobre 2015, par la société Autocars Roger Ceccaldi et le 26 octobre 2015 par la société Autocars de l’Ile de Beauté ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L551-1 du code de justice administrative : “ Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public (...) “ ; qu’aux termes de l’article L551-10 de ce code : “ Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L551-1 et L551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (...) “ ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que le département de la Corse-du-Sud a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marché, divisé en cent trente-deux lots, ayant pour objet l’exploitation d’un service de transport scolaire ; que, par l’ordonnance attaquée, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bastia, saisi par la société Les Autocars Roger Ceccaldi et statuant en application des articles L551-1 et suivants du code de justice administrative, a, d’une part, en ce qui concerne le lot n° 127 (Ajaccio-Vico), annulé la décision de la commission d’appel d’offres du 10 juin 2015 déclarant la procédure infructueuse ainsi que la procédure négociée ultérieure engagée par le département, et d’autre part, s’agissant du lot n° 132 (Porto-Ota), a annulé l’intégralité de la procédure d’appel d’offres ;

Sur l’ordonnance attaquée en tant qu’elle concerne le lot n° 127 :

3. Considérant qu’aux termes du 1° du I de l’article 35 du code des marchés publics : “ Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer “ ; que le juge du référé précontractuel a pris en compte, pour déterminer si les offres présentaient un caractère inacceptable, les crédits budgétaires alloués au lot n° 127 du marché ; que, par suite, la société Autocars de l’Ile de Beauté n’est pas fondée à soutenir qu’il aurait commis une erreur de droit en retenant un critère tiré de la comparaison avec les estimations financières de la collectivité ;

4. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que la commission d’appel d’offres a décidé de déclarer la procédure infructueuse au motif que les offres reçues pour ce lot étaient inacceptables ou irrégulières ; qu’en particulier, tant l’offre initiale de la SARL Autocars de l’Ile de Beauté, finalement retenue, que celle de la société Les Autocars Roger Ceccaldi, qui a été écartée, ont été regardées comme inacceptables ; que le juge du référé précontractuel a toutefois estimé qu’aucun élément n’établissait le caractère inacceptable de l’offre de la société Les Autocars Roger Ceccaldi ; qu’en conséquence, il a jugé que la commission d’appel d’offres avait méconnu les dispositions du 1° du I de l’article 35 en déclarant la procédure d’appel d’offres infructueuse ; que, par ailleurs, le juge du référé précontractuel a relevé que ce manquement avait été de nature à léser cette société, dès lors : “ qu’il n’(était) pas contesté que l’offre initiale de la SARL Autocars de l’Ile de Beauté ne pouvait pas être financée par le pouvoir adjudicateur compte tenu des crédits budgétaires alors alloués au marché “ ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Autocars de l’Ile de Beauté ou le département de la Corse-du-Sud auraient soutenu devant le juge du référé que cette offre n’était pas inacceptable ; que le juge n’était pas tenu de prescrire des mesures d’instruction aux fins de rechercher si cette offre présentait un tel caractère ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le juge aurait méconnu son office et commis une erreur de droit, faute de prescrire de telles mesures, ne peut qu’être écarté ;

Sur l’ordonnance attaquée en tant qu’elle concerne le lot n° 132 :

5. Considérant que lorsque, pour fixer un critère d’attribution du marché, le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d’une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d’exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l’exactitude des informations données par les candidats ;

6. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée, non contestée sur ces points, d’une part, que les candidats avaient notamment été invités à préciser si les véhicules seraient stationnés dans un lieu couvert, cet élément constituant un sous-critère du critère de la valeur technique et d’autre part, que le pouvoir adjudicateur n’avait pas demandé aux candidats, que ce soit par le règlement de consultation ou par tout autre document de la consultation, de produire des justificatifs lui permettant de contrôler effectivement l’exactitude des informations fournies en la matière ; qu’en déduisant de ces circonstances que le pouvoir adjudicateur avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bastia n’a pas commis d’erreur de droit ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Autocars de l’Ile de Beauté n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

8. Considérant que les dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société Les Autocars Roger Ceccaldi, qui n’est pas la partie perdante, les sommes que demande, à ce titre, la société Autocars de l’Ile de Beauté ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Autocars de l’Ile de Beauté la somme de 3 000 euros à verser à la société Les Autocars Roger Ceccaldi au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le pourvoi de la société Autocars de l’Ile de Beauté est rejeté.

Article 2 : La société Autocars de l’Ile de Beauté versera une somme de 3 000 euros à la société Les Autocars Roger Ceccaldi en application des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Autocars de l’Ile de Beauté, à la société Les Autocars Roger Ceccaldi et au département de la Corse-du-Sud.

MAJ 15/11/15 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 5 février 2018, n° 414508, métropole Nice Côte d’Azur (Pas de demande des justificatifs aux candidats dès lors qu’ils ne sont pas exigés pour l’évaluation des offres. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de vérifier qu’un contrat entre dans le champ de l’objet social d’une personne morale de droit privé. L’offre n’est pas irrégulière dès lors que l’opérateur économique justifie de la mise à disposition des matériels en temps utile. Possibilité de rectification d’une erreur de plume dans le calcul du prix final).

CE, 22 juillet 2016, n° 396597, Communauté d'agglomération du Centre Littoral et autres (Examen des critères d’attribution d'un marché public. Exigence de la production de justificatifs permettant au pouvoir adjudicateur de vérifier l’exactitude des informations données par les candidats (CE, 9 novembre 2015, n° 392785, Société Autocars de l'Ile de Beauté). Toutefois l'acheteur n'est pas tenu de demander des justificatifs aux candidats dès lors que le règlement de la consultation n'en fait pas une exigence particulière sanctionnée par le système d'évaluation des offres).

CJUE, 4 décembre 2003, EVN AG c/ République d’Autriche, aff. C-448/01, point 52 ("un critère d’attribution qui n’est pas assorti d’exigences permettant un contrôle effectif de l’exactitude des informations fournies est contraire aux principes de droit communautaire").

CE, 30 juin 1999, n° 163435, Commune de Voreppe (Seules les personnes ayant passé avec le maître de l'ouvrage un contrat de louage d'ouvrage peuvent être condamnées envers le maître de l'ouvrage à réparer les conséquences dommageables d'un vice de cet ouvrage imputable à sa conception ou à son exécution).