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Texte
Conseil d’État
N° 288622
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Delarue, président
M. Philippe Mettoux, rapporteur
M. Dacosta Bertrand, commissaire du gouvernement
SCP BOULLOCHE ; SCP DIDIER, PINET ; LE PRADO, avocat(s)
lecture du mercredi 14 mai 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29
décembre 2005 et 27 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la Société CSM BESSAC, dont le siège est zone
industrielle de la Pointe à Saint Jory (31790) ; la Société CSM BESSAC
demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 8 novembre 2005 par lequel la cour
administrative d’appel de Bordeaux a, d’une part annulé le jugement du
tribunal administratif de Bordeaux en date du 4 juin 2002 en tant qu’il
avait condamné la Communauté urbaine de Bordeaux à lui verser une somme
de 56 377 euros et, d’autre part, rejeté sa demande tendant à la
condamnation de la Communauté urbaine de Bordeaux à lui verser une somme
de 139 766,22 euros à raison du règlement d’un marché de réalisation
d’un collecteur-intercepteur d’assainissement, ainsi qu’une indemnité de
45 734,71 euros au titre du préjudice que lui a causé le comportement de
la Communauté urbaine de Bordeaux ;
2°) de mettre à la charge de la Communauté urbaine de Bordeaux une somme
de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d’Etat, - les
observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la SOCIÉTÉ CSM
BESSAC et de la SCP Boulloche, avocat de la Communauté urbaine de
Bordeaux,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la Communauté urbaine de Bordeaux a, le 6 juillet 1988,
signé avec un groupement solidaire d’entreprises, au nombre desquelles
se trouvait la société CSM BESSAC et dont le mandataire était la société
Les Chantiers Modernes, un marché visant à la réalisation d’un
collecteur-intercepteur d’assainissement sur le territoire de la commune
de Bordeaux ; que la maîtrise d’oeuvre était confiée à la société
Lyonnaise des Eaux Dumez ; que ce marché prévoyait des mesures
incitatives prévues notamment à l’article 3.3.3 du cahier des clauses
administratives particulières qui précisait : « Les coefficients de
primes ou de pénalités seront applicables sur la différence entre le
montant indiqué au chapitre “Creusement, revêtement, reconnaissance et
injection (hors fournitures)” figurant au marché et le montant hors
révisions, de ces mêmes chapitres figurant au décompte final du marché
(…). Le coefficient de prime sera de 10%, il sera appliqué sur la
différence entre le montant au décompte initial et le montant au
décompte final. Les coefficients de pénalités seront de 20% pour un
dépassement de 0 à 30%, de 30% pour un dépassement compris entre 30 et
50%, 40% pour un dépassement compris entre 50 et 100% » ; qu’un avenant
conclu le 30 avril 1991 prenait en compte des travaux supplémentaires
après creusement et fixait à 14 559 154 euros HT le montant du marché ;
que les travaux ont été réceptionnés le 29 mars 1991 ; que le 1er
juillet 1993, la Communauté urbaine de Bordeaux a émis à l’encontre de
la société Les Chantiers Modernes un ordre de recettes d’un montant de 1
687 250,13 F, soit 257 219,62 euros à raison d’un dépassement du coût
des travaux confiés à la société CSM BESSAC ; que cette société a
demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge de ces
pénalités et la condamnation de la Communauté urbaine de Bordeaux à lui
verser, d’une part, une somme de 56 377 euros correspondant à
l’application du taux de prime de 10% prévu par les stipulations
précitées du cahier des clauses administratives particulières, d’autre
part, une somme de 83 389 euros en paiement de dépenses supplémentaires
liées à des arrêts du tunnelier, enfin, une somme de 45 734,71 euros en
réparation du préjudice subi par elle du fait du comportement de la
Communauté urbaine de Bordeaux ; que par l’arrêt du 8 novembre 2005,
contre lequel la société CSM BESSAC se pourvoit, la cour administrative
d’appel de Bordeaux a annulé le jugement par lequel le tribunal
administratif avait condamné la Communauté urbaine de Bordeaux à lui
verser la somme de 56 377 euros correspondant à l’application du taux de
prime de 10% prévu par les stipulations précitées du cahier des clauses
administratives particulières, et rejeté l’ensemble de ses demandes ;
Considérant que la société Les Chantiers Modernes a, en sa qualité de
mandataire du groupement d’entreprises, intérêt à l’annulation de
l’arrêt attaqué ; qu’ainsi son intervention doit être admise ; Sans
qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article
13-41 du cahier des clauses administratives générales applicable au
marché en cause : « Le maître de l’ouvrage établit le décompte général…
» et qu’aux termes de l’article 13-42 : « Le décompte général, signé
par la personne responsable du marché, doit être notifié à
l’entrepreneur par ordre de service… » ; que si, dans le cas où le
maître de l’ouvrage n’établit pas le décompte général, il appartient à
l’entrepreneur, préalablement à toute saisine du juge, de mettre le
maître de l’ouvrage en demeure d’y procéder, il n’en est pas de même
lorsque ce dernier établit ce décompte, mais omet d’y apposer sa
signature ou le communique à l’entrepreneur sous une forme autre qu’un
ordre de service ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges
du fond que la Communauté urbaine de Bordeaux, maître de l’ouvrage, a
établi le décompte général du marché, mais que ce décompte a été
communiqué au mandataire du groupement sans comporter la signature de
son auteur et ne lui a pas été notifié par ordre de service ; qu’en
déduisant de ces circonstances que les conclusions relatives au
règlement du marché présentées par la société CSM BESSAC au tribunal
administratif de Bordeaux étaient irrecevables, faute pour cette société
d’avoir mis préalablement en demeure la Communauté urbaine de Bordeaux
d’établir le décompte général du marché, la cour a donc commis une
erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé en tant qu’il statue
sur les conclusions relatives au règlement définitif du marché ;
Considérant que par application des dispositions de l’article L. 821-2
du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances
de l’espèce, de régler l’affaire au fond, en statuant, dans les limites
de cette annulation, sur l’appel de la société CSM BESSAC et sur l’appel
incident de la Communauté urbaine de Bordeaux formés devant la cour
administrative d’appel de Bordeaux;
Considérant que les conclusions d’appel incident présentées par la
Communauté urbaine de Bordeaux et tendant à l’annulation du jugement du
tribunal administratif en tant qu’il l’a condamnée à verser à la société
CSM BESSAC une somme de 56 377 euros correspondant à l’application du
taux de prime de 10% prévu par les stipulations précitées du cahier des
clauses administratives particulières, sont relatives, comme les
conclusions de l’appel principal de cette société, au règlement
définitif du marché ; qu’elles ne soulèvent donc pas un litige distinct
et sont par suite recevables ;
Considérant qu’aux termes de l’article 13-44 du cahier des clauses
administratives générales applicables au marché en cause : «
L’entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du
décompte général, le renvoyer au maître d’oeuvre, revêtu de sa
signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour
lesquelles il refuse de le signer (…) Si la signature du décompte
général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou
de ces réserves doivent être exposés par l’entrepreneur dans un mémoire
de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le
paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant,
sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement
et qui n’ont pas encore fait l’objet d’un règlement définitif ; ce
mémoire doit être remis au maître d’oeuvre dans le délai indiqué au
premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient
alors suivant les modalités indiquées à l’article 50 (....) » ; qu’aux
termes de l’article 50-22 : « Si un différend survient directement entre
la personne responsable du marché et l’entrepreneur, celui-ci doit
adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de
transmission au maître de l’ouvrage » ; qu’aux termes de l’article 50-23
: « La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du
présent article appartient au maître de l’ouvrage » ; qu’aux termes de
l’article 50-32 : « Si, dans un délai de six mois à partir de la
notification à l’entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du
présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte
général du marché, l’entrepreneur n’a pas porté ses réclamations devant
le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant
accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le décompte général
établi par la Communauté urbaine de Bordeaux lui a été retourné signé et
accompagné d’une réclamation de la société CSM BESSAC ; que cette
réclamation a été rejetée par lettre du président de la Communauté
urbaine de Bordeaux en date du 21 octobre 1993, notifiée le 29 octobre
1993 au mandataire du groupement, et dont la société CSM BESSAC a eu
communication le 4 novembre 1993 ; que, contrairement à ce que soutient
cette société, le président de la Communauté urbaine de Bordeaux était
compétent pour prendre les décisions relatives à l’exécution du marché,
et donc pour statuer sur cette réclamation ; que ce n’est toutefois que
le 19 août 1994, soit après l’expiration du délai de six mois fixé à
l’article 50-32 précité, que la société CSM BESSAC a saisi le tribunal
administratif de Bordeaux ; que ce délai n’a été ni interrompu, ni
suspendu par la présentation d’une seconde réclamation, ayant le même
objet, que le conseil de la Communauté urbaine de Bordeaux a rejetée le
28 janvier 1994 ; que par suite, la demande présentée par la société CSM
BESSAC au tribunal administratif de Bordeaux était tardive, et donc
irrecevable ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la Communauté urbaine de
Bordeaux est fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal
administratif de Bordeaux en tant qu’il l’a condamnée à verser à la
société CSM BESSAC une somme de 56 377 euros correspondant à
l’application du taux de prime de 10% prévu par les stipulations
précitées du cahier des clauses administratives particulières, et que la
société CSM BESSAC n’est pas fondée à se plaindre de ce que ce tribunal
a, par le même jugement, rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à
la charge de la Communauté urbaine de Bordeaux, qui n’est pas la partie
perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la société
CSM BESSAC et, en tout état de cause, la société Les Chantiers Modernes,
au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de faire
application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative et de mettre à la charge de la société CSM BESSAC le
versement à la Communauté urbaine de Bordeaux de la somme de 3 000 euros
au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
--------------
Article 1er : L’intervention de la société Les Chantiers Modernes est
admise.
Article 2 : L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 8 novembre
2005 est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions relatives au
règlement définitif du marché.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du
4 juin 2002 est annulé en tant qu’il a condamné la Communauté urbaine de
Bordeaux à verser la somme de 56 377 euros à la société CSM BESSAC.
Article 4 : La société CSM BESSAC versera à la Communauté urbaine de
Bordeaux la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société CSM BESSAC et de la société
Les Chantiers modernes tendant à l’application de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société CSM BESSAC,
à la Communauté urbaine de Bordeaux et à la société Les Chantiers
Modernes.
(c) F. Makowski 2001/2019