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Ce, 476301, rectification d’offre ne comportant pas le taux de TVA applicable

Conseil d’Etat, 24 novembre 2023, n° 476301, Cté agglo. Morlaix communauté - Rectification d’une offre ne comportant pas le taux de TVA applicable.

Le Conseil d'État, par une décision du 15 novembre 2023, clarifie les conditions de régularité d'une procédure de passation de marché public. Cet arrêt aborde notamment les questions de la rectification des erreurs dans les offres, de l'allotissement et de l'information des candidats non retenus. Le pouvoir adjudicateur a demandé à la société attributaire de rectifier son offre concernant le taux de TVA. La rectification n'a pas été faite d'office par le pouvoir adjudicateur, mais à la suite d'une demande de précisions adressée à l'attributaire. Le rapport d'analyse des offres mentionnait explicitement qu'il s'agissait d'une analyse "après demande de précisions".

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048465192

En matière de passation des marchés publics, le juge du référé précontractuel exerce un contrôle approfondi sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence. Toutefois, ce contrôle doit s'exercer de manière pragmatique, en tenant compte des réalités pratiques de la commande publique. Ainsi, des erreurs mineures, telles que certaines erreurs relatives à l'application de la TVA dans les offres, peuvent être rectifiées sous conditions. De même, l'absence d'allotissement peut être justifiée par des considérations techniques. Enfin, l'information des candidats évincés doit être suffisamment détaillée pour leur permettre de comprendre les raisons du rejet de leur offre et les caractéristiques de l'offre retenue.

En l'espèce, le Conseil d'État juge que :

  • La rectification du taux de TVA dans l'offre de l'attributaire était acceptable d'une erreur matérielle dans le contexte.
  • L'absence d'allotissement était justifiée par des considérations techniques liées à l'exécution du marché.
  • La méthode de notation des offres n'était pas irrégulière, faute d'éléments probants apportés par le requérant.
  • L'information fournie au candidat évincé était suffisamment détaillée et complète.

Par conséquent, le Conseil d'État a estimé que la procédure de passation du marché était régulière et a rejeté la demande du candidat évincé.

Contexte et faits de l'espèce

La communauté d'agglomération Morlaix Communauté a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande portant sur des prestations de location, enlèvement, transport et vidage des caissons de déchetterie. La société Guyot Environnement, dont l'offre n'a pas été retenue, a contesté l'attribution du marché à la société Les Recycleurs Bretons devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes.

Le juge des référés a annulé la procédure de passation, la décision de rejet de l'offre de Guyot Environnement et la décision d'attribution du marché. La communauté d'agglomération s'est pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Problème juridique et solution retenue

Le Conseil d'État devait se prononcer sur la régularité de la procédure de passation du marché, notamment sur :

  • La nature et la légalité de la demande de précision concernant le taux de TVA dans l'offre de l'attributaire
  • L'absence d'allotissement du marché
  • La méthode de notation des offres
  • Le respect des obligations d'information des candidats évincés

Le Conseil d'État a annulé l'ordonnance du juge des référés et rejeté la demande de la société Guyot Environnement, validant ainsi la procédure de passation du marché.

Analyse et portée de la décision

Sur la demande de précision concernant le taux de TVA (points 3 et 4)

Le Conseil d'État censure la dénaturation des pièces du dossier par le juge des référés. Il précise que le pouvoir adjudicateur avait demandé à l'attributaire de préciser son offre concernant le taux de TVA.

L'arrêt ne qualifie pas explicitement cette démarche de "régularisation d'une erreur matérielle". Le Conseil d'État utilise les termes "demande de précisions" et indique que le pouvoir adjudicateur "avait retenu le taux de TVA légalement applicable après avoir demandé à la société Les Recycleurs Bretons de rectifier son offre sur ce point".

Cette nuance est importante car elle soulève la question de la frontière entre une simple demande de précision (autorisée par l'article R2165-5 du code de la commande publique) et une régularisation d'offre irrégulière (encadrée par l'article R2152-2 du même code).

Cette décision s'inscrit dans le cadre de l'article R2165-5 du code de la commande publique, qui permet à l'acheteur de demander aux soumissionnaires de préciser la teneur de leur offre, sans pour autant négocier avec eux. Le Conseil d'État apporte ici des précisions sur l'application de cette disposition, en validant la démarche du pouvoir adjudicateur qui a demandé une clarification concernant le taux de TVA, sans pour autant qualifier cette action de régularisation d'une offre irrégulière. .

Sur l'absence d'allotissement (points 8 et 9)

Dans cette décision, le Conseil d'État applique les dispositions des articles L2113-10 et L2113-11 du code de la commande publique relatives à l'allotissement.

Il reconnaît la possibilité pour l'acheteur de ne pas allotir le marché lorsque la dévolution en lots séparés est de nature à rendre techniquement difficile l'exécution des prestations.

 Le Conseil d'État vérifie que la justification apportée par la communauté d'agglomération pour ne pas allotir le marché est suffisante au regard de ces dispositions.

Sur la méthode de notation des offres (points 10 et 11)

Le Conseil d'État écarte les griefs relatifs à la méthode de notation, constatant que la société requérante n'a pas fourni d'éléments probants au soutien de ses affirmations.

Dans cette affaire, le Conseil d'État n'a pas eu à se prononcer explicitement sur la question de la charge de la preuve concernant les irrégularités alléguées dans la notation des offres.

Sur l'information des candidats évincés (points 12 et 13)

Le Conseil d'État juge que les obligations d'information prévues aux articles R2181-3 et R2181-4 du code de la commande publique ont été respectées. Il souligne l'importance d'une information complète et détaillée des candidats évincés, incluant les notes attribuées et les caractéristiques de l'offre retenue.

[...]

 

[...]

MAJ 15/12/23 - Source legifrance

Jurisprudence

CAA Toulouse, 9 juillet 2024, n° 22TL21561 (Modification substantielle du CCTP en MAPA. Une négociation en procédure adaptée, ne doit pas engendrer une modification substantielle du cahier des charges rendant l’offre irrégulière dès lors que les variantes sont interdites). 

TA Bordeaux, 4 juillet 2024, n° 2403635 (Erreur de « tiroir numérique » sur la plateforme de dématérialisation PLACE, une fois de plus. Société ayant déposé son offre dans le mauvais "tiroir numérique" sur la plateforme PLACE. Le juge a considéré qu'elle n'avait pas été induite en erreur par les mentions erronées du règlement de la consultation. Le juge a également rappelé que le pouvoir adjudicateur n'a pas à vérifier ou rectifier une éventuelle erreur d'un candidat dans le dépôt de son offre. La seule circonstance que le lien mentionné était inactif ne peut être regardé comme une mention erronée de nature à avoir induit en erreur la requérante dès lors que ce lien inexistant ne pouvait orienter la candidate vers un autre " tiroir numérique ", c'est-à-dire vers une fenêtre correspondant à un autre marché).  

CE, 1er juin 2023, n° 469127, Communauté d’agglomération de la région de Château Thierry (Erreur de « tiroir numérique » sur la plateforme de dématérialisation : clarification des obligations de l'acheteuRLe pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuleRLe pouvoir adjudicateur ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt, sauf si cette erreur résulte d'un dysfonctionnement du profil d’acheteur).

CE, 20 décembre 2019, n° 419993, communauté de communes de Sélestat (L'article L1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable,  permet à la personne publique délégante de négocier librement les offres des candidats, mais ne l'autorise pas à modifier ou à compléter de sa propre initiative et unilatéralement une offre dont elle estimerait que les prestations ne respectent pas les caractéristiques quantitatives et qualitatives qu'elle a définies. Modification substantielle d'une offre par la personne publique dans un contrat de délégation de service public).

CAA Douai, 17 janvier 2013, n° 12DA00594, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais (L'intégration par un candidat de prestations non demandées dans son offre n'est pas une erreur purement matérielle autorisant la modification d'une offre par le pouvoir adjudicateur).

CE, 8 mars 1996, n° 133198, M. PELTE (Dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, Seules de simples précisions ou compléments peuvent être demandés)