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TA Lille, 6 mai 2025, n° 2503111, Sté Abott Médical France Critère SAD

TA Lille, 6 mai 2025, n° 2503111, Sté Abott Médical France – Critère discriminatoire dans un SAD

Un élément d'appréciation qui confère nécessairement un avantage déterminant à un seul candidat fait obstacle à une remise en concurrence effective et méconnaît les modalités du système d'acquisition dynamique. Le Tribunal administratif de Lille annule un marché de télésurveillance médicale au motif que l'acheteur a sciemment introduit un critère favorisant exclusivement l'opérateur proposant une plateforme « universelle ».

https://opendata.justice-administrative.fr/recherche/shareFile/TA59/DTA_2503111_20250506

Le Tribunal administratif de Lille a annulé un marché spécifique de télésurveillance médicale conclu dans le cadre du système d'acquisition dynamique organisé par la centrale d'achat UniHA. Le litige opposait deux modèles techniques distincts : d'une part, les solutions « propriétaires » des fabricants de prothèses cardiaques limitées à leurs propres équipements (Abott Medical France), d'autre part, les plateformes « universelles » compatibles avec l'ensemble des fabricants (Implicity).

 Le Centre hospitalier de la région de Saint-Omer (CHRSO) avait modifié les critères d'attribution en ajoutant un élément d'appréciation portant sur la « capacité de la plateforme à synthétiser les données de télésurveillance de l'ensemble des constructeurs stimulateurs cardiaques utilisés », pondéré à 9%. Cette modification s'écartait du cadre général du système d'acquisition dynamique qui prévoyait des critères d'« interopérabilité » et de « compatibilité » plus neutres technologiquement.

L'analyse des notes révèle que seule Implicity pouvait obtenir le maximum de points sur ce critère spécifique (9/9), tandis qu'Abott Medical France n'obtenait que 1,8 point, créant un écart déterminant pour l'attribution.

Le tribunal considère que l'acheteur « a sciemment introduit un élément d'appréciation pondéré qui aurait nécessairement pour conséquence de conférer un avantage déterminant » à une solution particulière.

Cette pratique méconnaît les modalités de remise en concurrence prévues pour les marchés fondés sur un système d'acquisition dynamique, en application de l'article R2162-51 du code de la commande publique. Le tribunal prononce l'annulation du contrat, estimant qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne le justifie et que la continuité de la prise en charge médicale demeure assurée par les logiciels fabricants en place.

[...]

7. D'une part, il résulte du CCAP du système d'acquisition dynamique (SAD) précité et des écritures du GCS UniHa que l'objet de ce SAD était de permettre à des candidats sélectionnés sur la base d'une certification réglementaire du dispositif médical portant tant sur l'utilisation réglementaire de ceux-ci que sur leur prise en charge financière par l'assurance maladie de pouvoir remettre une offre aux différents marchés spécifiques lancés par les adhérents du groupement et d'accéder ainsi à un marché public ouvert sans qu'une solution technique de télésurveillance particulière, certifiée pour une prise en charge par l'assurance maladie, ne soit favorisée. Il résulte de l'instruction que la société Abott Medical France, fabricant de prothèses cardiaques implantables au même titre que quatre autres fabricants habilités, n'est en mesure de fournir une solution de télésurveillance certifiée pour garantir une prise en charge par l'assurance maladie au titre du forfait technique que pour ses propres stimulateurs. La société Implicity propose, de son côté, également une solution de télésurveillance certifiée pour une prise en charge par l'assurance maladie au titre des dispositifs médicaux de télésurveillance qui a cependant la particularité d'être une plateforme de télésurveillance médicale compatible et interopérable avec l'ensemble des prothèses cardiaques implantables (PCI) des fabricants. Il est ainsi le seul opérateur à pouvoir proposer une plateforme dite " universelle " bénéficiant d'une certification lui ouvrant droit au bénéfice du forfait technique de l'assurance maladie. Il résulte des documents techniques produits par les parties et notamment de l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies (CNEDiMTS) du 24 septembre 2024 que les plateformes dites " tierces ", " universelles " ou " agrégateur de données " telles que celle de la société Implicity utilisent les données des PCI notamment des alertes, via le serveur des fabricants, pour collecter puis afficher sur une seule interface et de façon homogénéisée, l'ensemble des données des patients. De nouvelles données propres à la plateforme universelle peuvent être générées par cette plateforme universelle à la suite à l'analyse des données collectées. La société Abott Medical France soutient en outre sans qu'elle ne soit sérieusement contestée sur ce point que la solution proposée par le titulaire du marché spécifique attaqué ne peut fonctionner directement avec la prothèse cardiaque implantable mais doit récupérer les données générées par le logiciel fabricant qui analyse les données et transmet les alertes, lorsque celles-ci excèdent certains seuils définis par l'opérateur de santé chargé de l'acte médical de télésurveillance et ce faisant, cette solution vient s'ajouter au système du fabricant en tant qu'agrégateur de données. La société Abott Medical France ajoute également sans une nouvelle fois être sérieusement contestée que les logiciels de surveillance des prothèses des fabricants sont nécessairement en place, lorsque fonctionne la société Implicity, sa qualité de titulaire du marché spécifique la rendant toutefois seule éligible à la prise en charge par l'assurance maladie des prestations de télésurveillance fournies.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de la région de Saint-Omer a, lors de la dernière consultation réalisée pour ce marché spécifique litigieux, retenu, au titre du sous-critère technique " suivi du patient " prévu par le SAD, les éléments d'appréciation tenant à la " capacité de la plateforme à synthétiser les données de télésurveillance de l'ensemble des constructeurs stimulateurs cardiaques utilisés ", " la capacité de collecte des données du patient " et " la facilité d'utilisation pour l'équipe médicale ", pondérés chacun à 9 %. La société Implicity a obtenu la note de 100 % sur l'ensemble des sous-critères techniques de la consultation et ce faisant obtenu le maximum de points sur le dernier élément d'appréciation pondéré cité qui n'avait pas été mentionné dans le CCAP au titre des éléments d'appréciation non exhaustifs que proposait le système d'acquisition dynamique. La société requérante a, de son côté, obtenu la note globale de 92,8 %, se voyant noter sur ce même élément d'appréciation du sous-critère technique " suivi du patient " à hauteur de seulement 1,8 sur 9. Il résulte également de la consultation lancée peu de temps auparavant portant sur le même marché spécifique et qui a été déclarée sans suite le 10 décembre 2024, après l'introduction d'un premier référé précontractuel par la requérante, que la société Implicity s'était vu attribuer une nouvelle fois la note de 100 % quand la société requérante n'avait obtenu que la note de 64,20 %. Cette note de 64,20 % était justifiée, dans le rapport d'analyse des offres de cette première consultation, par le fait que les éléments d'appréciation intitulés " compatibilité avec l'ensemble des DM de la pathologie télésurveillée, utilisés par le service de cardiologie " et " capacité de la plateforme à synthétiser les données de télésurveillance de l'ensemble des constructeurs de stimulateurs cardiaques utilisés par le CHRSO ", pondérés à 26 % et à 30 %, ne lui avaient rapporté respectivement que 5,20 % et 15 %. Il résulte ainsi de l'analyse des offres de ces deux consultations réalisées successivement pour l'attribution du même marché spécifique que les écarts de notes entre la société requérante, seul fabricant de prothèses sélectionné par le SAD ayant souhaité remettre une offre, et le titulaire ne provenaient, parmi l'ensemble des éléments d'appréciation qui ont été retenus et qui sont communs aux deux procédures d'attribution précitées, que des éléments d'appréciation en lien avec le fait que le titulaire du contrat litigieux est le seul opérateur en mesure de proposer un dispositif médical de télésurveillance susceptible d'interagir avec l'ensemble des stimulateurs des constructeurs tout en étant éligible à une prise en charge financière par l'assurance maladie à ce titre.

9. Ainsi, la société Abott Medical France ne pouvait, au vu de l'élément d'appréciation retenu par le centre hospitalier de la région de Saint-Omer pour évaluer le sous-critère " suivi du patient " tel qu'il était pondéré, associé à l'emploi d'une méthode de notation purement arithmétique, obtenir que la note de 1,8 sur 9, dès lors que son système de télésurveillance n'est certifié en vue d'une prise en charge de l'assurance maladie que pour ses propres stimulateurs et qu'il est constant qu'il n'existe que cinq fabricants de PCI certifiés sur le marché. Le titulaire était, pour sa part et compte tenu de son produit, garanti d'obtenir la note maximale sur cet élément d'appréciation. Par ailleurs, comme il vient d'être dit précédemment, les autres éléments d'appréciation retenus par le pouvoir adjudicateur, qui ont valu aux deux candidats l'attribution systématique du maximum de points, ne permettaient pas de pouvoir les départager et, en tout état de cause, de créer des écarts de notation équivalents à l'écart de points significatif découlant nécessairement de l'application de cet élément d'appréciation litigieux de sorte que cet écart aurait pu être éventuellement compensé, sans qu'il ne soit du reste établi, ni même soutenu qu'aucun autre élément d'appréciation que celui qui a été ajouté lors de la consultation n'aurait permis de déterminer la meilleure offre. Dans ces conditions, le centre hospitalier de la région de Saint-Omer doit être regardé comme ayant sciemment introduit, dans sa consultation, un élément d'appréciation pondéré qui aurait nécessairement pour conséquence de conférer un avantage déterminant à la solution de la société Implicity pour l'obtention de ce marché spécifique. Ce faisant, le pouvoir adjudicateur a fait obstacle à une remise en concurrence effective des candidats sélectionnés par le SAD. En procédant de la sorte, alors que le SAD dont l'objet était de permettre aux candidats sélectionnés d'accéder à un marché public ouvert pour des produits réputés par principe d'usage courant n'avait pas entendu mettre en avant, dans son CCAP, cette capacité du dispositif de télésurveillance à synthétiser les données de l'ensemble des PCI utilisés en tant que spécification technique du marché, le centre hospitalier de Saint-Omer a nécessairement méconnu la portée du cadre fixé par le système d'acquisition. Par suite, le centre hospitalier de Saint Omer n'a pas respecté les modalités de remise en concurrence prévues par le contrat.

10. Il résulte de ce qui que les conditions que posent les dispositions du deuxième alinéa de l'article de L. 551-18 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies. Par ailleurs, comme il a été dit au point 7, dès lors que la plateforme " universelle " proposée par la société Implicity agrège les alertes émises par les " logiciels fabricant " en place avec les prothèses cardiaques, il n'est pas établi que les équipes médicales du centre hospitalier de la région de Saint-Omer ne pourraient plus, en cas d'arrêt du service fourni par le titulaire, surveiller les patients concernés. Il y a lieu, par suite, dès lors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne justifie le prononcé de l'une des mesures alternatives à l'annulation prévues par l'article L. 551-19 du même code, d'annuler le contrat. .

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MAJ 20/05/25

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Jurisprudence marchés publics et autres contrats publics

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