
CE, 2 octobre 2025, n° 501204, SFRS - Signature mixte des marchés publics
La dématérialisation des marchés publics n'impose pas nécessairement l'uniformité des modes de signature. Un contrat peut être valablement conclu avec une signature manuscrite de l'acheteur et une signature électronique du titulaire.
Le Conseil d'État confirme qu'un marché public peut être régulièrement conclu par une signature mixte combinant signature manuscrite pour l'acheteur et signature électronique pour le titulaire, sans que cette différence de forme ne constitue une irrégularité. Aucune disposition législative ou réglementaire, en particulier ni l'article R2182-3 du code de la commande publique ni l'arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique, n'impose qu'un contrat signé électroniquement par l'une des parties soit nécessairement signé de la même façon par l'autre partie. Il résulte des dispositions des articles L2181-1, R2181-1 et R2181-2 du code de la commande publique, que, pour les marchés passés selon une procédure adaptée, l'acheteur doit, dès qu'il décide de rejeter une offre, notifier ce rejet au soumissionnaire concerné, sans être tenu de lui notifier la décision d'attribution.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000052352631
Résumé
La commune de Cholet avait lancé une consultation selon la procédure adaptée pour un accord-cadre relatif à la fabrication, la fourniture et la livraison de repas en liaison froide. Le règlement de consultation prévoyait que les propositions n'avaient pas à être remises signées par les candidats et que le contrat serait signé par le seul attributaire de manière électronique. Après une première attribution annulée par le juge, la commune a procédé à une nouvelle analyse et attribué le marché à la société Elior Restauration France le 17 décembre 2024. Le contrat a été signé le jour même, avec une signature manuscrite du représentant de la commune et une signature électronique du titulaire.
La société française de restauration et services (SFRS), candidate évincée, a contesté cette procédure devant le juge des référés, invoquant notamment l'irrégularité de cette signature mixte. Elle soutenait que le règlement de consultation imposait une signature électronique et que la signature manuscrite apposée par la commune méconnaissait cette exigence. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté cette argumentation, la SFRS s'est pourvue en cassation.
Le Conseil d'État valide la pratique de signature mixte des marchés publics, combinant signature manuscrite de l'acheteur et signature électronique du titulaire.
Il juge d'abord que le contrôle de la validité de la signature du contrat n'entre pas dans les compétences du juge du référé contractuel, dont la mission se limite à sanctionner les manquements les plus graves aux règles de publicité et de mise en concurrence. Aucune disposition législative ou réglementaire, en particulier ni l'article R2182-3 du code de la commande publique ni l'arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique, n'impose qu'un contrat signé électroniquement par l'une des parties soit nécessairement signé de la même façon par l'autre partie.
Lorsque le règlement de consultation impose uniquement la signature électronique du contrat par l'attributaire, le représentant de la commune peut régulièrement le signer de manière manuscrite.
Cette solution accompagne la transition numérique des administrations publiques en permettant des modalités mixtes de signature, sans compromettre la sécurité juridique des contrats. Elle confirme le caractère facultatif de la signature électronique en l'absence d'exigence spécifique imposée dans les documents de consultation et valide les pratiques courantes de nombreux acheteurs publics confrontés aux contraintes techniques et organisationnelles de la dématérialisation.
Le cadre juridique de la signature électronique des marchés publics
L'article R2182-3 du code de la commande publique réglemente la signature électronique des marchés publics. Il dispose que le marché peut être signé électroniquement, selon les modalités fixées par un arrêté du ministre chargé de l'économie qui figure en annexe du code. Il traduit ainsi un régime facultatif et non impératif.
En effet, la signature électronique constitue une possibilité offerte aux parties contractantes, non une obligation systématique. Cette rédaction laisser aux acheteurs publics et aux opérateurs économiques une certaine souplesse dans le choix des modalités de signature, en fonction de leurs équipements techniques et de leurs contraintes organisationnelles.
L'arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique des contrats de la commande publique précise ces modalités. L'article 1er de cet arrêté précise que lorsque la signature électronique est requise pour tout document sous forme électronique d'un contrat de la commande publique, il est signé selon les modalités prévues par l'arrêté. Cette formulation conditionnelle selon laquelle "lorsque la signature électronique est requise" confirme que l'utilisation de la signature électronique demeure facultative, sauf exigence spécifique imposée dans les documents de la consultation.
La fiche technique de la Direction des affaires juridiques précise d'ailleurs qu'il n'est pas obligatoire de procéder à la signature électronique des marchés et que l'échange électronique de documents signés de façon manuscrite et scannés demeure envisageable, même si la récupération ultérieure de l'original de la signature reste nécessaire pour disposer d'un exemplaire écrit des engagements.
La signature électronique, bien qu'encouragée et facilitée, n'est pas imposée de manière uniforme à toutes les parties contractantes.
Texte
[...]
4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 511-18 du code de justice administrative citées au point 2 que, s'agissant des marchés passés selon une procédure adaptée, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne sont pas soumis à l'obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d'attribution, l'annulation d'un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, c'est-à-dire de l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. Le juge du référé contractuel doit également annuler un marché à procédure adaptée, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du même code, ou prendre l'une des autres mesures mentionnées à l'article L. 551-20 dans l'hypothèse où, alors qu'un recours en référé précontractuel a été formé, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'a pas respecté la suspension de signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de ce que le contrat litigieux avait été signé avant l'envoi à la société française de restauration et services de la décision de rejet de son offre était inopérant devant le juge du référé contractuel. Celui-ci n'était, par suite, pas tenu d'y répondre.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2182-3 du code de la commande publique : " Le marché peut être signé électroniquement, selon les modalités fixées par un arrêté du ministre chargé de l'économie qui figure en annexe du présent code ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique des contrats de la commande publique : " Lorsque la signature électronique est requise pour tout document sous forme électronique d'un contrat de la commande publique, il est signé selon les modalités prévues au présent arrêté. " Aux termes de l'article 5-5-1 du règlement de la consultation de l'accord cadre litigieux : " (...) Les propositions n'ont pas à être remises signées par les candidats. Le contrat sera signé par le seul attributaire de manière électronique (...) ".
7. Dès lors qu'il n'appartient pas au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, de contrôler la validité de la signature du contrat qui lui est soumis, la société française de restauration et services ne pouvait utilement soutenir devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes que le contrat litigieux n'avait pas été régulièrement signé. En tout état de cause, il ne résulte ni de l'article R. 2182-3 du code de la commande publique, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, en particulier de l'arrêté du 22 mars 2019 relatif à la signature électronique des contrats de la commande publique, qu'un contrat signé électroniquement par l'une des parties ne pourrait pas être signé de façon manuscrite par l'autre partie. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les stipulations de l'article 5-5-1 du règlement de la consultation imposaient uniquement la signature électronique du contrat par l'attributaire, que le représentant de la commune avait pu régulièrement le signer de manière manuscrite.
8. En dernier lieu, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes aurait dénaturé les pièces du dossier en retenant, pour écarter le moyen tiré de ce que la commune n'aurait pas respecté le délai de suspension de la signature du contrat auquel elle s'était soumise volontairement lors de la première attribution de celui-ci à la société Elior Restauration France, que la procédure ayant conduit à cette première attribution avait été annulée par sa précédente ordonnance du 10 décembre 2024.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
[...]
MAJ 06/10/25
Jurisprudence
.