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Toutes les plateformes de dématérialisation sont-elles fiables ?

Toutes les plateformes de dématérialisation sont-elles fiables ?

19 novembre 2025

Plus de 10 Go de données, plusieurs milliers de fichiers, des prérequis techniques respectés. Une entreprise avait tout vérifié avant de déposer son offre pour un marché important portant sur plus de 100 lots. Pourtant, la plateforme, notoirement connue, a généré des informations contradictoires que même le service d'assistance n'a pu éclaircir. Le dépôt final s’est bien déroulé mais a nécessité plusieurs tentatives particulièrement stressantes et chronophages pour le candidat. Cette situation illustre, dans la continuité de la décision du Conseil d’État (CE, 13 novembre 2025, n° 506640), que les plateformes de dématérialisation peuvent présenter des défaillances qui dépassent les simples erreurs d’information et touchent parfois leur fonctionnement interne.

Rappel d’une décision intéressante du Conseil d'Etat du 13 novembre 2025

Le Conseil d'Etat a rendu une décision intéressante qui mérite l’attention (CE, 13 novembre 2025, n° 506640). Elle concerne les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises lorsqu'elles tentent de déposer leur offre sur les profils d’acheteur. En confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris, il constate que ces outils numériques peuvent créer des obstacles imprévus pour les candidats.

Cette jurisprudence soulève deux questions pratiques qui impactent directement les entreprises qui répondent à un marché public.

  • La première concerne la fiabilité technique des plateformes, c'est-à-dire leur capacité à fonctionner correctement quand une entreprise souhaite déposer son dossier.
  • La seconde question porte sur l'information donnée aux entreprises. Les plateformes expliquent-elles clairement toutes les contraintes techniques que les candidats doivent respecter ?

Le problème de l'information manquante

Dans l’espèce jugée par le Conseil d'État, une société, voulait répondre à un marché lancé par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Elle avait préparé son offre et tentait de la déposer sur la plateforme informatique prévue à cet effet (PLACE).

Le jour de la date limite, cette entreprise a essayé deux fois de transmettre son dossier, une première fois le matin à neuf heures vingt, puis de nouveau en début d'après-midi à treize heures treize. À chaque tentative, la plateforme a refusé le dépôt. La raison était simple mais invisible pour l'entreprise : les fichiers de son offre dépassaient une taille maximale autorisée par la plateforme. Le problème étant que cette limitation n'était indiquée nulle part dans les documents fournis aux candidats, ni dans les conditions générales d'utilisation de la plateforme.

En qualité d'entreprise candidate, vous préparez soigneusement votre dossier, votre ordinateur fonctionne parfaitement, vous respectez tous les délais, mais vous ne pouvez pas déposer votre offre parce qu'il existe une règle que personne ne vous a expliquée. C'est exactement ce qui s'est passé ici. Face à cette impossibilité, l'entreprise a finalement transmis son offre par un autre moyen technique, environ deux heures après l'expiration du délai officiel.

Au-delà de l'information, les vrais dysfonctionnements (autre entreprise et autre dépôt)

Le cas précédent illustre un défaut d'information, mais la réalité des plateformes de dématérialisation peut présenter des difficultés encore plus complexes.

 Parfois, ce ne sont pas seulement des informations qui manquent, ce sont les plateformes elles-mêmes qui ne fonctionnent pas correctement. Et dans ces situations, même une entreprise qui fait tous les efforts possibles peut ne pas parvenir à résoudre le problème.

Un exemple récent montre bien cette réalité. Une entreprise devait déposer son offre sur une plateforme notoirement connue et régulièrement utilisée dans les réponses aux marchés publics. Elle a procédé au dépôt de son dossier, et tout semblait s'être bien passé. La plateforme avait affiché les messages habituels confirmant que l'opération était réussie. L'entreprise était donc rassurée.

Mais ensuite, en vérifiant plus attentivement un aspect inquiétant été découvert pour l'entreprise.

Les informations communiquées par la plateforme ne correspondaient pas exactement à ce qu'elle avait déposé.
Il y avait des incohérences, des différences entre ce qu'elle avait envoyé et ce que la plateforme confirmait avoir reçu.

Cette situation crée un doute très préoccupant. Comment être certain que son offre a bien été transmise correctement quand la plateforme elle-même donne des informations contradictoires ?

Quand l'assistance technique ne suffit pas (hotline)

Naturellement, l'entreprise confrontée à ces incohérences a contacté le service d'assistance de la plateforme. C'est la démarche logique, car quand un problème technique survient, l'opérateur économique appelle ceux qui sont censés connaître le système. Malheureusement, la réponse obtenue n'a pas permis de résoudre le problème. Le service d'assistance n'a pas su proposer de solution satisfaisante pour lever les doutes constatés. Néanmoins suite à plusieurs tentatives nécessitant de lourdes modifications une transmission cohérente a pu être effectuée.

Cette difficulté technique pose une vraie question. Les entreprises font confiance aux plateformes de dématérialisation, surtout quand ces plateformes sont largement utilisées et reconnues dans le secteur. Elles considèrent que si la plateforme est connue et largement utilisée, elle doit être fiable. Découvrir que le service d'assistance ne peut pas garantir le bon fonctionnement du système crée une grande insécurité.

Un contexte technique particulier mais conforme aux pré-requis

Il faut préciser que dans ce cas, l'offre à déposer présentait des caractéristiques inhabituelles. Elle pesait plus de dix gigaoctets, ce qui représente un volume de données important, et contenait plusieurs milliers de fichiers séparés.

Cependant, et c'est là le point essentiel, cette offre respectait les conditions techniques annoncées par la plateforme. L'entreprise avait vérifié les prérequis publiés et son dossier y correspondait. De plus aucune alerte particulière n'est apparue lors du processus de dépôt.

Le candidat était donc en droit de penser que le dépôt fonctionnerait normalement. Le service d'assistance a d'ailleurs reconnu que certaines fonctionnalités de la plateforme n'étaient pas adaptées pour traiter un tel volume de données, si bien qu'il était nécessaire de se conformer au processus standard. En effet, parfois les profils d'acheteur proposent plusieurs solutions pour procéder au dépôt des plis.

Cette reconnaissance révèle un décalage troublant. La plateforme annonce qu'elle peut recevoir des dossiers jusqu'à une certaine taille, mais en pratique, quand un candidat essaie effectivement de déposer un dossier d'une taille inférieure aux pré-requis, le système présente des anomalies.

 

Formation DEMATERIALISATION et DUME (J03)

Jurisprudence

TA Toulouse, 20 octobre 2025, n° 2506764 (CGU des plateformes de dématérialisation et opposabilité aux candidats. Les limitations de téléchargements et de dépôts prévues par les CGU d'une plateforme de dématérialisation ne constituent pas un dysfonctionnement. L'opérateur économique qui accepte ces conditions ne peut contester l'attribution de marchés subséquents sur ce fondement).

CE, 13 novembre 2025, n° 506640, APHP (Dématérialisation, offres reçues hors délai et taille maximale des fichiers. Un soumissionnaire peut-il être écarté pour tardiveté lorsqu'il a accompli en temps utile les diligences normales mais s'est heurté à une limitation technique non communiquée de la plateforme de dématérialisation (taille maximale des fichiers)) ?

TA Melun, 23 janvier 2023, n° 2300115 (Conséquences du dysfonctionnement de la plateforme de dématérialisation. L'offre d'une société attributaire est-elle toujours irrégulièrement admise par l'acheteur public, en cas de dépôt tardif sur la plateforme de dématérialisation des marchés publics ? La règle posée par l'article R2151-5 du code de la commande publique selon laquelle les offres reçues hors délai sont éliminées est-elle intangible en cas de dysfonctionnement ?).

TA Toulon, 30 janvier 2020, n° 1904516, société Rogers Stirk Harbour Partners c/ Métropole Toulon Provence Méditerranée TPM (Réponse dématérialisée hors délai, copie de sauvegarde absente, assistance téléphonique du profil d’acheteur injoignable de l’étranger engendrant un manque à gagner potentiel de 200.000 € HT).

Actualités

Réponse dématérialisée reçue hors délai, assistance téléphonique du profil d’acheteur injoignable de l’étranger, copie de sauvegarde absente engendrant un manque à gagner potentiel de 200.000 € HT. Pas d'atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats (TA Toulon, 30 janvier 2020, n° 1904516, société Rogers Stirk Harbour Partners c/ Métropole Toulon Provence Méditerranée (TPM)). - 8 février 2020.

(c) F. Makowski - Formateur et consultant en marchés publics pour entreprises et acheteurs publics - Ingénieur ENSEA et juriste en droit des contrats publics