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Marchés de substitution dans la commande publique

Marchés de substitution dans la commande publique

Définition des marchés de substitution

Les marchés de substitution sont des mécanismes permettant à une entité publique de faire exécuter des prestations par un tiers lorsque son cocontractant initial est défaillant. Ce dispositif est un outil destiné à garantir la continuité de l'intérêt général.

Il s'agit de satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d'exclusivité et sans que le titulaire du marché initial puisse engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l'acheteur. L'exécution du marché de substitution ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire initial.

Nature et fondement juridique

La faculté de recourir à des marchés de substitution est une règle générale applicable à l'ensemble des contrats administratifs (fournitures, services, concessions). Cette règle est d'ordre public, ce qui signifie que l'acheteur public ne peut y renoncer contractuellement, même si le contrat initial est silencieux à ce sujet.

Les nouvelles versions des Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG de 2021) ne soumettent pas ce dispositif à l'existence de stipulations contractuelles spécifiques.

L'objectif est d'assurer la satisfaction de l'intérêt général par l'exécution des prestations prévues au contrat.

Conditions de mise en oeuvre

L'acheteur public peut recourir aux marchés de substitution dans deux situations principales :

Exécution provisoire sans résiliation préalable

L'acheteur peut confier provisoirement l'exécution des prestations à un tiers si le titulaire initial n'a pas respecté une mise en demeure de se conformer à ses obligations ou aux ordres de service. Pour les marchés de travaux, le délai de cette mise en demeure ne peut généralement pas être inférieur à quinze jours à compter de sa notification (Article 52.1 du CCAG-Travaux 2021).

Le recours est également possible en cas d'inexécution d'une prestation qui, de par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, bien que cette hypothèse ne soit pas explicitement prévue par le CCAG-Travaux et qu'il soit recommandé de l'inscrire dans les clauses du marché.

La décision de faire exécuter les prestations par un tiers doit être prise par écrit, notifiée au titulaire, et justifiée par une carence suffisante de sa part (inertie, manquements, mauvaise foi) (CE, 18 décembre 2020, n° 433386). Un simple manquement pourrait être insuffisant.

Cette mesure est de nature provisoire et ne met pas fin au contrat initial (CE, Assemblée, 9 novembre 2016, n° 388806, Société Fosmax A.). Le titulaire initial peut même être autorisé à reprendre l'exécution des prestations dans un certain délai s'il prouve qu'il en a les moyens (Article 48 du CCAG-MI 2021, Article 52 du CCAG-Travaux 2021, etc.). Si cette reprise n'a pas lieu, le marché est résilié pour faute.

Exécution après résiliation pour faute du marché initial

L'acheteur peut résilier unilatéralement le marché initial aux torts exclusifs du cocontractant si ce dernier a commis une faute d'une gravité suffisante (Article L2195-3). Cela est vrai même si le marché ne contient pas de clause à cet effet (CE, 26 février 2014, n° 365546).

Par exemple, la livraison d'une grue avec plus de deux ans de retard qui n'a jamais pu être mise en service est considérée comme une faute de gravité suffisante (CE, 18 décembre 2020, n° 433386, Sté Treuils.).

Le fait que des pénalités aient été prononcées pour retard ne fait pas obstacle à la résiliation pour faute (CE, 18 décembre 2020, n° 433386). Cependant, aucune pénalité ne peut être appliquée pour la période postérieure à la résiliation (CE, 21 mars 1986, n° 46973),

La résiliation pour faute doit être précédée d'une mise en demeure restée infructueuse, précisant la nature du manquement, le délai d'exécution, la sanction envisagée, et la possibilité pour le titulaire de présenter ses observations.

Après la résiliation, un décompte de résiliation est établi. Il mettra au débit du titulaire les surcoûts résultant du marché de substitution (Article 51.2.2 du CCAG-Travaux 2021). Ce décompte ne peut être établi définitivement qu'après le règlement définitif du marché de substitution.

Conséquences financières pour le titulaire défaillant

Le titulaire défaillant est tenu de supporter la charge des frais et des surcoûts entraînés par le marché de substitution.

Il ne peut se soustraire à cette charge en arguant que le marché de substitution n'aurait pas permis de réaliser avec succès les prestations attendues (CE, 18 décembre 2020, n° 433386).

Le titulaire défaillant ne peut pas bénéficier d'une éventuelle diminution des dépenses permise par le marché de substitution (Article 52.6 du CCAG-Travaux 2021).

Lorsque l'objet du marché initial n'a pu être réalisé en raison de graves défaillances du titulaire, la personne publique a droit à la réparation de son entier préjudice, qui inclut l'ensemble des frais exposés pour les différents marchés (le marché initial et les marchés de substitution) (CAA Nantes, 21 juin 2019, n° 18NT02885).

Cependant, le titulaire ne peut être tenu de supporter des surcoûts si le marché de substitution comporte des prestations étrangères au marché résilié (CAA Marseille 7 novembre 2011, n° 09MA03294, Société SPIE Sud-Est). De même, s'il a été démontré en amont qu'il était dans l'impossibilité d'exécuter le marché, il ne devrait pas supporter les surcoûts (Article L2711-8 du CCP).

Le droit de suivi du marché de substitution

Le titulaire initial défaillant doit être mis en mesure de suivre les opérations exécutées par le titulaire du marché de substitution afin de veiller à la sauvegarde de ses propres intérêts (CE, 27 avril 2021, Société Constructions Bâtiments Immobiliers, n° 437148, CE 9 juin 2017, Société Entreprise Morillon Corvol Courbot, n° 399382). Ce droit de suivi du titulaire a été reconnu comme une règle générale applicable aux contrats administratifs (TA Bordeaux, 17 mai 2021, SFR, n° 19011778, 1901779 et 200927).

Le droit de suivi implique la notification du marché de substitution au titulaire défaillant préalablement à sa mise en exécution (CAA Bordeaux, 18 février 2025, n° 23BX00657, SELARL Pelletier et Associés Mandataires judiciaires; Cass. com., 29 janv. 2025, n° 23-20.784). Cette notification doit être complète, incluant les prix unitaires et le CCAP (CAA Versailles, 21 janvier 2025, n° 23VE00068, Société MAJ).

En conséquence si le titulaire défaillant n'a pas été mis à même de suivre le marché de substitution (notamment par une notification préalable), il est déchargé des conséquences onéreuses résultant dudit marché (CAA Lyon, 30 janvier 2014, n° 13LY00760, Société Rotat).

Le but de ce droit de suivi est de permettre au titulaire défaillant de vérifier que les prestations de substitution sont conformes ou équivalentes à celles de l'ancien marché, de surveiller les coûts qui lui seront réaffectés, et de contester, le cas échéant, la régularité, le bien-fondé, le contenu ou les conditions d'exécution du marché de substitution (CE, 18 déc. 2020,  n° 433386, Société Treuils et Grues Labor).

En somme, le régime des marchés de substitution est un levier pour l'acheteur public face à une défaillance contractuelle, lui permettant d'assurer la continuité des prestations. Cependant, il est encadré par des obligations claires envers le titulaire défaillant, notamment un droit de suivi qui, s'il n'est pas respecté, peut décharger ce dernier de la charge financière des surcoûts.

Jurisprudence

Principe et fondements du recours aux marchés de substitution

CE, Assemblée, 9 novembre 2016, n° 388806, Société Fosmax A. (Cette décision établit le principe selon lequel la faculté pour l'acheteur public de recourir à des marchés de substitution aux frais et risques de son cocontractant défaillant constitue une règle d'ordre public. Caractère impératif de ce mécanisme, qui s'applique même en l'absence de clause contractuelle expresse en ce sens. Cette mesure revêt un caractère provisoire lorsqu'elle est mise en œuvre sans résiliation préalable du marché initial. Le juge administratif définit les contours de l'exécution provisoire par un tiers, en soulignant que l'acheteur public peut, sans procéder au préalable à la résiliation du marché initial, confier provisoirement l'exécution des prestations à un tiers. Cette décision renforce les prérogatives de l'acheteur public face aux défaillances contractuelles).

CE, 18 décembre 2020, n° 433386, Société Treuils et Grues Labor (Confirmation que l'acheteur public ne peut renoncer à la faculté de recourir aux marchés de substitution, cette prérogative étant d'ordre public. Caractérisation des manquements justifiant le recours à cette procédure, en visant l'inertie, les manquements ou la mauvaise foi du cocontractant lorsqu'ils entravent l'exécution d'un marché. La circonstance que des pénalités aient été prononcées ne fait pas obstacle à la résiliation du marché pour faute du titulaire, ces pénalités ne pouvant porter que sur la période antérieure à la date de résiliation. Le fait que le marché de substitution n'ait pas permis de réaliser correctement les prestations attendues par le marché initial n'est pas de nature à dispenser le titulaire défaillant d'en supporter la charge financière).

Conditions de mise en œuvre et caractérisation des manquements

CE, 26 février 2014, n° 365546, Communauté d'agglomération du pays ajaccien (Caractérisation de la faute du titulaire justifiant la résiliation aux frais et risques. Lorsque la société titulaire n'est pas en mesure de réaliser les prestations dont elle a la charge dans un délai compatible avec ses engagements contractuels, l'absence d'émission de bon de commande ou de mention du délai de réalisation dans la mise en demeure adressée au titulaire ne fait pas obstacle à la caractérisation de sa faute.  Renforcement la position de l'acheteur public en permettant la caractérisation de la faute même en l'absence de certaines formalités, dès lors que l'inexécution dans les délais contractuels est avérée).

CE, 24 novembre 2010, n° 330648, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable des communes de Sioule et Morge (Sans qu'aucun délai précis ne soit fixé par les textes, la passation du marché de substitution doit être lancée dans un délai raisonnable. Au-delà d'une certaine période d'inaction, l'acheteur public peut être considéré par le juge administratif comme ayant renoncé à passer un marché public de substitution. La jurisprudence impose ainsi à l'administration une obligation de diligence dans la mise en œuvre de ses prérogatives).

Liquidation et décompte de résiliation

CE, 4 juillet 2014, n° 374032 et 375461, Communauté agglomération Saint-Étienne Métropole (Modalités de liquidation des marchés résiliés pour faute et les droits du titulaire défaillant dans la procédure de décompte. Le titulaire défaillant peut saisir le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de la résiliation et demander le règlement des sommes qui lui sont dues, et ce même avant le règlement définitif du marché de substitution. Cette possibilité est conditionnée à ce que les parties disposent des éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié).

CE, 26 février 2020, n° 428344, Sté Iveco France (Complément du dispositif jurisprudentiel relatif aux droits du titulaire défaillant dans la procédure de liquidation. Conditions dans lesquelles le titulaire peut contester la résiliation et obtenir le règlement des sommes qui lui sont dues. Sécurisation juridique de la procédure de résiliation en offrant des voies de recours effectives au cocontractant qui s'estime lésé).

CAA Lyon, 15 février 2018, n° 16LY01386, Société SMAC (Modalités pratiques de notification du décompte de résiliation. Le décompte de résiliation définitivement établi doit être notifié au titulaire, confirmant ainsi l'exigence de transparence dans la procédure de liquidation. Respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. L'acheteur public a une obligation de communication qui permet au titulaire de prendre connaissance des éléments retenus contre lui et, le cas échéant, de les contester devant le juge compétent).

Surcoûts et imputations financières

CE, 9 juin 2017, n° 399382, Entreprise Morillon Corvol Courbot (Principes concernant l'imputation des surcoûts résultant des marchés de substitution. Les montants découlant des surcoûts pour permettre l'achèvement des prestations sont à la charge du titulaire défaillant, sans qu'à l'inverse il ne puisse bénéficier, même partiellement, d'une éventuelle diminution des dépenses permise par le marché de substitution. Le titulaire défaillant supporte intégralement les conséquences financières négatives de sa défaillance, mais ne peut prétendre à aucun bénéfice en cas d'économie réalisée par l'acheteur public dans l'exécution du marché de substitution).

CAA Marseille 7 novembre 2011, n° 09MA03294, Société SPIE Sud-Est (Limites de l'imputation des surcoûts au titulaire défaillant. Le titulaire ne peut être tenu de supporter des surcoûts résultant de la passation d'un marché de substitution si celui-ci comporte des prestations étrangères au marché résilié. Cette limitation protège le titulaire contre d'éventuels abus de l'acheteur public qui pourrait être tenté d'élargir l'objet du marché de substitution au-delà des prestations initialement prévues. La jurisprudence impose une stricte correspondance entre l'objet du marché initial et celui du marché de substitution, garantissant que le titulaire défaillant ne supporte que les conséquences de sa propre défaillance et non des extensions décidées unilatéralement par l'acheteur public).

CAA Nantes, 22 juin 2012, n° 10NT00115, Communauté d'agglomération Rennes Métropole (Réparation du préjudice subi par le titulaire en cas de résiliation irrégulière et injustifiée. Il est possible pour le titulaire d'obtenir la réparation de son préjudice dans l'hypothèse où la décision de résiliation serait irrégulière et injustifiée. Exigence d'un juste équilibre entre les prérogatives de l'acheteur public et les droits du cocontractant, en permettant une indemnisation lorsque l'administration a fait un usage inapproprié de ses prérogatives).

Droit de suivi et notification

CAA Lyon, 30 janvier 2014, n° 13LY00760, Société Rotat (Si la notification du marché de substitution n'intervient pas, le titulaire défaillant n'a pas à supporter les surcoûts entraînés par ce marché. Cette exigence de notification conditionne donc l'effectivité du transfert des charges financières vers le titulaire défaillant. Consécration du droit de suivi comme un élément essentiel de protection du titulaire, qui doit pouvoir connaître les conditions dans lesquelles le marché de substitution est exécuté pour pouvoir éventuellement en contester les modalités ou les coûts).

CAA Versailles, 21 janvier 2025, n° 23VE00068, Société MAJ (Contours du droit de suivi en imposant une communication complète du marché de substitution. La communication du marché de substitution doit être complète et notamment inclure les prix unitaires et le CCAP. Cette exigence de communication exhaustive permet au titulaire défaillant d'exercer effectivement son droit de suivi et de vérifier la conformité du marché de substitution avec les stipulations du marché initial).

CAA Bordeaux, 18 février 2025, n° 23BX00657, SELARL Pelletier et Associés Mandataires judiciaires (Confirmation et renforcement des exigences relatives à la notification du marché de substitution. Les marchés de substitution doivent être notifiés au titulaire initial avant leur exécution, sous peine de méconnaissance du droit de suivi. Cette exigence conditionne l'effectivité du contrôle que peut exercer le titulaire défaillant sur les conditions d'exécution du marché de substitution. La jurisprudence impose à l'acheteur public une obligation de diligence dans la communication des informations relatives au marché de substitution).

Cass. com., 29 janv. 2025, n° 23-20.784 (La même règle de notification préalable s'applique aux contrats privés passés par les acheteurs soumis au droit de la commande publique. Cette extension jurisprudentielle témoigne d'une harmonisation des régimes juridiques et garantit une protection équivalente aux cocontractants, qu'ils soient titulaires de marchés publics ou de contrats privés soumis aux règles de la commande publique).  

CE, 5 avril 2023, n° 463554, Société Iveco France (Modalités de mise en œuvre du droit de suivi en distinguant les obligations spontanées de communication de celles qui ne s'imposent qu'en cas de demande. L'acheteur doit communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat uniquement lorsqu'il est saisi d'une demande en ce sens).

Voir également

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