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Le juge peut modérer les pénalités contractuelles manifestement excessives en tenant compte des fautes du pouvoir adjudicateur ayant contribué à l'inexécution. La violation de l'obligation d'insérer une clause de révision de prix peut atténuer la gravité de l'inexécution et justifier une modération des pénalités de retard.
En l'espèce, les marchés en litige dont la durée était supérieure à trois mois, ne comportaient pas de clause de révision de prix alors que leur exécution nécessitait le recours à une part importante de matières premières dont le prix était directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux. Toutefois, cette illégalité ne constitue pas un vice d'une particulière gravité ni n'entache d'illicéité le contenu de ces contrats.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000051898817
Résumé
Le Conseil d'État enrichit sa jurisprudence sur le pouvoir modérateur du juge administratif en matière de pénalités contractuelles. L'arrêt rappelle d'abord les principes fondamentaux à savoir que les pénalités ont un caractère forfaitaire et s'appliquent automatiquement au seul constat de l'inexécution, indépendamment du préjudice réellement subi. Le juge doit en principe appliquer les clauses convenues, mais peut exceptionnellement modérer les pénalités manifestement excessives au regard du montant du marché et de la gravité de l'inexécution.
L'apport de cette décision concerne la prise en compte des fautes du pouvoir adjudicateur dans l'appréciation de la gravité de l'inexécution. Le Conseil d'État établit que les manquements de l'acheteur public ayant contribué à placer le titulaire en situation d'inexécution peuvent atténuer la gravité de cette dernière et justifier une modération des pénalités.
En l'espèce, FranceAgriMer avait conclu avec la société Nouvelle Laiterie de la Montagne deux marchés de fourniture de thon sans y insérer de clause de révision de prix, contrairement aux prescriptions de l'article R2112-14 du code de la commande publique. Face à une hausse exceptionnelle des cours mondiaux du thon de 1000 à 1800 euros la tonne, la société avait demandé une adaptation contractuelle que l'établissement public avait refusée catégoriquement. Cette double faute, omission légale et rigidité contractuelle, a contribué à placer l'entreprise en situation d'inexécution et constitue une circonstance atténuante de la gravité de ses manquements.
Rappelons que les marchés d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui nécessitent le recours à une part importante de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux doivent comporter une clause de révision de prix sans partie fixe (CE, 9 décembre 2009, n° 328803, Département de l’Eure).
Cette approche de la responsabilité contractuelle reconnaît que l'inexécution peut résulter de causes multiples et que la rigidité des pénalités automatiques doit parfois s'atténuer devant les comportements des parties. La modération de 50 % retenue illustre ce partage des responsabilités, évitant l'exonération totale tout en sanctionnant proportionnellement les défaillances de l'acheteur public et du titulaire.
Texte
[...]
12. Aux termes du V de l'article 18 du code des marchés publics, applicable au litige, repris en substance à l'article R. 2112-14 du code de la commande publique : " V. Les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément au IV du présent article. "
13. Il résulte de l'instruction que les marchés en litige conclus entre FranceAgriMer et la société Nouvelle Laiterie de la Montagne, qui avaient pour objet la fourniture de thon entier au naturel et dont la durée était supérieure à trois mois, ne comportaient pas de clause de révision de prix contrairement aux prescriptions des dispositions citées au point 12 alors que leur exécution nécessitait le recours à une part importante de matières premières dont le prix était directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux. Toutefois, cette illégalité ne constitue pas un vice d'une particulière gravité ni n'entache d'illicéité le contenu de ces contrats. Dès lors, l'illégalité dont ces derniers sont entachés n'est pas de nature à justifier qu'ils soient écartés, ni à faire obstacle à ce que le litige soit réglé sur le terrain contractuel. Par suite, les titres exécutoires en litige ont pu être légalement fondés sur une créance née de l'inexécution de ces contrats.
14. En quatrième lieu, le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure. Si, la société requérante fait valoir que l'augmentation de 1000 à 1800 euros la tonne du cours mondial du thon Listao entre janvier 2016, lors du dépôt de ses offres, et le 15 février 2017, date limite de livraison fixée par les marchés en litige, a eu pour effet de bouleverser l'économie de ces derniers, justifiant qu'elle cesse de les exécuter et faisant obstacle à ce que des pénalités pour un défaut d'exécution soient mises à sa charge, il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'elle aurait été dans l'impossibilité de surmonter ces circonstances compte tenu des moyens dont elle disposait. Dès lors, cette situation ne présentait pas un caractère d'irrésistibilité de nature à caractériser un cas de force majeure justifiant qu'elle s'abstienne d'exécuter ses obligations contractuelles et faisant obstacle à ce que des pénalités soient mises à sa charge en application des contrats en litige.
15. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que, par des courriers des 13 janvier, 10 et 20 février 2017, la société Nouvelle Laiterie de la Montagne a informé FranceAgriMer des difficultés qu'elle rencontrait dans l'approvisionnement des quantités de thon Listao qu'elle devait fournir pour l'exécution des marchés en litige en raison de la hausse, mentionnée au point 14, des cours mondiaux de cette denrée, et lui a proposé de convenir soit d'un report de la date limite de livraison, soit d'une hausse du prix fixé par les marchés à hauteur de 18 %. En refusant d'envisager toute modification des marchés en litige afin de remédier aux difficultés de livraison rencontrées par la société Nouvelle Laiterie de la Montagne, résultant d'évènements extérieurs et imprévisibles dans leur ampleur, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 13, les marchés en litige, dont l'exécution nécessitait le recours à une part importante de matières premières dont le prix était directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux, ne comportaient pas de clause de révision de prix contrairement aux prescriptions des dispositions citées au point 12, ce que la société Nouvelle Laiterie de la Montagne avait d'ailleurs relevé dans le courrier du 25 octobre 2017 qu'elle lui avait adressé, FranceAgriMer a contribué à la placer en situation de ne pas pouvoir respecter ses obligations de livraison. Cette circonstance est de nature à atténuer la gravité de l'inexécution, par la société Nouvelle Laiterie de la Montagne, de ses obligations contractuelles. Dès lors, cette société est fondée à demander la modération, qu'il y a lieu de fixer à 50 %, du montant des pénalités mises à sa charge par les titres exécutoires du 27 novembre 2018 en litige.
16. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'elle soulève à l'appui de ses conclusions tendant à la modération des pénalités mises à sa charge, la société Nouvelle Laiterie de la Montagne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation des titres exécutoires du 27 novembre 2018 dans la mesure énoncée au point 15 et de la décharger de l'obligation de payer les sommes qu'ils mettent à sa charge dans cette même mesure.
[...]
MAJ 17/07/25 - Source legifrance
Jurisprudence
CAA PARIS, 24 juin 2019, n° 17PA02639, société GBR Ile-de-France (Un montant de pénalités de retard de 61 % du montant du marché est-il excessif ?).
CE, 1 février 2019, n° 414068, société Brisset. (En cas de responsabilité partielle les pénalités se calculent seulement d’après le nombre de jours de retard imputables au cocontractant lui-même).
CAA Paris, 8 juin 2018, n° 17PA01124, SAS Suchet (Des pénalités, d'un montant de 150 646,93 euros HT, qui représentent 14,2 % du montant du marché, compte tenu, également, du retard très important pris dans l'exécution des travaux, ne sont pas manifestement excessives. Il n'y a donc pas lieu d'en modérer le montant).
CE, 19 juillet 2017, n° 392707, Société GBR Ile-de-France (Pénalités de retard et pouvoir de modulation du juge administratif. Les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus).
CE, 20 juin 2016, n° 376235, sociétés Eurovia Haute-Normandie et Colas Ile-de-France Normandie (Un cocontractant ne peut se prévaloir de la méconnaissance par l’autre partie du principe de loyauté des relations contractuelles au motif qu’elle aurait mis tardivement à sa charge des pénalités de retard qui résultent de la mise en oeuvre de stipulations convenues entre les parties. Compte tenu des circonstances de l'espèce, des pénalités infligées par un acheteur qui représentent approximativement 26 % du montant total du marché, n’atteignent pas un montant manifestement excessif).
CE, 9 décembre 2009, n° 328803, Département de l’Eure (Les marchés d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui nécessitent le recours à une part importante de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux doivent comporter une clause de révision de prix sans partie fixe).
CE, 29 décembre 2008, n° 296930, SARL SERBOIS (Le juge administratif peut moduler le montant des pénalités de retard stipulées contractuellement dans un marché public. Il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché)
CE,14 juin 1944, n° 69167, Sekoulounos (Lorsque le cahier des charges fixe la pénalité par journée de retard dans le transport du matériel, le fait que ce montant serait supérieur aux prix du transport ne peut motiver une réduction de ladite pénalité)
Fiches de la DAJ de Bercy
Fiche technique DAJ - Les pénalités dans les marchés publics (Créée le 01/04/2019)
Actualités
L’acheteur public peut-il utiliser un sous-critère de choix des offres relatif au montant des pénalités de retard ? Quel lien avec la valeur technique de l’offre à apprécier ? - 30 novembre 2018.
Les pénalités de retard dans les marchés publics - Fiche technique de la DAJ - 5 mars 2011 - La fiche fait le point sur les règles d'application des pénalités notamment telles que prévues par les CCAG
Questions écrites au sénat ou à l'assemblée nationale - Réponses ministérielles
Égalité d'accès à la concurrence dans les marchés publics - pénalités de retard (Question écrite n° 01248 de M. Jean Louis Masson, publiée dans le JO Sénat du 02/08/2007 - page 1367)