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CJCE, 2 décembre 1999, affaire C-176/98, Holst Italia SpA / Comune di Cagliari

CJCE, 2 décembre 1999, affaire C-176/98, Holst Italia SpA / Comune di Cagliari

La directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, doit être interprétée en ce sens qu'elle permet à un prestataire, pour établir qu'il satisfait aux conditions économiques, financières et techniques de participation à une procédure d'appel d'offres en vue de conclure un marché public de services, de faire état des capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qu'il entretient avec elles, à condition qu'il soit en mesure de prouver qu'il a effectivement la disposition des moyens de ces entités nécessaires à l'exécution du marché. Il appartient au juge national d'apprécier si une telle justification est apportée dans l'espèce au principal.

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

2 décembre 1999 (1)

« Directive 92/50/CEE - Marchés publics de services - Justification de la capacité du prestataire - Possibilité d'invoquer les capacités d'une autre société »

Dans l'affaire C-176/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Holst Italia SpA

et

Comune di Cagliari,

en présence de:

Ruhrwasser AG International Water Management,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de la sixième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, LSevón, C. Gulmann, J.-P. Puissochet (rapporteur) et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. P. Léger,


greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

-    pour Holst Italia SpA, par Mes C. Colapinto, avocat au barreau de Rimini, P. Leone, avocat au barreau de Rome, A. Tizzano et G. M. Roberti, avocats au barreau de Naples,

-    pour la commune de Cagliari, par Mes F. Melis et G. Farci, avocats au barreau de Cagliari,

-    pour Ruhrwasser AG International Water Management, par Mes M. Vignolo et G. Racugno, avocats au barreau de Cagliari, et RA. Jacchia, avocat au barreau de Milan,

-    pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de Mme F. Quadri, avvocato dello Stato,

-    pour le gouvernement néerlandais, par M. T. T. van den Hout, secrétaire général faisant fonction du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

-    pour le gouvernement autrichien, par M. W. Okresek, Sektionschef à la Chancellerie, en qualité d'agent,

-    pour la Commission des Communautés européennes, par M. P. Stancanelli, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Holst Italia SpA, représentée par Mes C. Colapinto, P. Leone, G. M. Roberti et F. Sciaudone, avocat au barreau de Naples, de la commune de Cagliari, représentée par Mes F. Melis et G. Farci, de Ruhrwasser AG International Water Management, représentée par Mes M. Vignolo et RA. Jacchia, du gouvernement italien, représenté par Mme F. Quadri, et de la Commission, représentée par M. P. Stancanelli, à l'audience du 20 mai 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

1.  Par ordonnance du 10 février 1998, parvenue à la Cour le 11 mai suivant, le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l'interprétation de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).

2.  Cette question a été posée dans le cadre d'un litige opposant Holst Italia SpA (ci-après «Holst Italia») à la commune de Cagliari au sujet de l'attribution par cette commune à Ruhrwasser AG International Water Management (ci-après «Ruhrwasser»), par procédure de marché négocié, d'un service de collecte et d'épuration d'eaux usées domestiques.

La réglementation communautaire

3.  La directive 92/50 fixe des critères de sélection qualitative permettant de déterminer les candidats admis à participer à la procédure d'adjudication d'un marché public de services.

4.  Aux termes de son article 31:

«1.  La justification de la capacité financière et économique du prestataire peut, en règle générale, être constituée par une ou plusieurs des références suivantes:

a) des déclarations appropriées de banques ou la preuve d'une assurance des risques professionnels;

b) la présentation des bilans ou d'extraits des bilans, dans les cas où la publication des bilans est prescrite par la législation sur les sociétés du pays où le prestataire de services est établi;

c) une déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les services auxquels se réfère le marché, réalisés au cours des trois derniers exercices.

2.  Les pouvoirs adjudicateurs précisent, dans l'avis de marché ou dans l'invitation à soumissionner, celle ou celles des références visées au paragraphe 1 qu'ils ont choisies ainsi que les autres références qui doivent être produites.

3.  Si, pour une raison justifiée, le prestataire de services n'est pas en mesure de produire les références demandées par le pouvoir adjudicateur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur.»

5.  L'article 32 de la directive 92/50 dispose:

«1.  La capacité des prestataires de fournir les services peut être évaluée en vertu notamment de leur savoir-faire, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.

2.  La capacité technique du prestataire de services peut être justifiée d'une ou de plusieurs des façons suivantes, selon la nature, la quantité et l'utilisation des services à fournir:

a) l'indication des titres d'études et professionnels du prestataire de services et/ou des cadres de l'entreprise et, en particulier, du ou des responsables de la prestation;

b) la présentation d'une liste des principaux services fournis au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé des services fournis:   -    lorsqu'il s'agit de pouvoirs adjudicateurs, la justification doit être fournie sous la forme de certificats émis ou contresignés par l'autorité compétente,   -    lorsqu'il s'agit d'acheteurs privés, la prestation doit être certifiée par l'acheteur ou, à défaut, simplement déclarée avoir été effectuée par le prestataire de services;

c) l'indication des techniciens ou des organismes techniques, qu'ils soient ou non intégrés à l'entreprise du prestataire de services, en particulier de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité;

d) une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du prestataire de services et l'importance du personnel d'encadrement pendant les trois dernières années;

e) une déclaration indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont le prestataire dispose pour l'exécution des services;

f) une description des mesures prises par le prestataire de services pour s'assurer de la qualité ainsi que des moyens d'étude et de recherche de son entreprise;

g) lorsque les services à fournir sont complexes ou que, à titre exceptionnel, ils doivent répondre à un but particulier, un contrôle effectué par le pouvoir adjudicateur ou, au nom de celui-ci, par un organisme officiel compétent du pays dans lequel le prestataire de services est établi, sous réserve de l'accord de cet organisme; ce contrôle porte sur la capacité technique du prestataire de services et, si nécessaire, sur les moyens d'étude et de recherche dont il dispose ainsi que sur les mesures qu'il prend pour contrôler la qualité;

h) l'indication de la part du marché que le prestataire de services a éventuellement l'intention de sous-traiter.

3.  Le pouvoir adjudicateur précise, dans l'avis ou dans l'invitation à soumissionner, celles de ces références qu'il entend obtenir.

4.  L'étendue des informations visées à l'article 31 et aux paragraphes 1, 2 et 3 du présent article ne peut aller au-delà de l'objet du marché, et le pouvoir adjudicateur doit prendre en considération les intérêts justifiés des prestataires de services en ce qui concerne la protection des secrets techniques ou commerciaux de leur entreprise.»

6.  En outre, aux termes de l'article 25 de la directive 92/50:

«Dans le cahier des charges, le pouvoir adjudicateur peut demander au soumissionnaire d'indiquer, dans son offre, la part du marché qu'il a éventuellement l'intention de sous-traiter à des tiers.

Cette communication ne préjuge pas la question de la responsabilité du prestataire de services principal.»

7.  Enfin, l'article 26 de la directive 92/50 précise:

«1.  Les groupements de prestataires de services sont autorisés à soumissionner. La transformation de tels groupements dans une forme juridique déterminée ne peut être exigée pour la présentation de l'offre, mais le groupement retenu peut être contraint d'assurer cette transformation lorsque le marché lui a été attribué.

2.  Les candidats ou soumissionnaires qui, en vertu de la législation de l'État membre où ils sont établis, sont habilités à prester le service en question ne peuvent être rejetés seulement du fait qu'ils auraient été tenus, en vertu de la législation de l'État membre où le marché est attribué, d'être soit des personnes physiques, soit des personnes morales.

3.  Toutefois, les personnes morales peuvent être obligées d'indiquer, dans leurs offres ou leurs demandes de participation, les noms et les qualifications professionnelles des personnes qui sont chargées de l'exécution du service en question.»

Le litige au principal

8.  En 1996, la commune de Cagliari a organisé un marché négocié, devant être adjugé selon le critère de l'offre la plus avantageuse, en vue de confier pour trois ans le service de la gestion de stations d'épuration et de relevage.

9.  L'avis d'appel d'offres, publié au Journal officiel des Communautés européennes du 3 janvier 1997, prévoyait que les entreprises intéressées devaient notamment justifier, d'une part, d'un chiffre d'affaires moyen annuel égal ou supérieur à 5 milliards de ITL pour la période 1993-1995 dans le domaine de la gestion de stations d'épuration des eaux et de relevage, d'autre part, de la gestion effective d'au moins une station d'épuration d'eaux usées domestiques pendant deux années consécutives au cours des trois dernières années, sous peine d'exclusion de la procédure d'adjudication.

10.  Ruhrwasser, qui n'était inscrite au registre des entreprises que depuis le 9 juillet 1996, ne pouvait se prévaloir du moindre chiffre d'affaires pour la période 1993-1995 ni de la gestion effective d'au moins une station d'épuration d'eaux usées domestiques au cours des trois dernières années.

11.  Pour établir sa capacité à participer à la procédure d'appel d'offres, au terme de laquelle le marché lui a été adjugé, Ruhrwasser a fourni une documentation relative aux moyens détenus par une autre entité, l'organisme de droit public allemand Ruhrverband, actionnaire unique de l'entreprise RWG Ruhr-Wasserwirtschafts-Gesellschaft, laquelle a participé, avec cinq autres sociétés, à la création de l'entreprise commune Ruhrwasser sous la forme d'une société par actions de droit allemand possédée à hauteur de 1/6 des parts par chacune des sociétés mères et ayant pour objet de permettre à celles-ci d'acquérir des marchés à l'étranger dans la collecte et le traitement des eaux.

12.  Holst Italia, qui a également participé à la procédure, mais dont l'offre a été jugée moins avantageuse par la commission adjudicatrice, a saisi le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna d'une demande d'annulation de la délibération du conseil municipal de Cagliari approuvant l'adjudication du marché à Ruhrwasser, au motif que celle-ci n'avait pas produit la documentation exigée pour pouvoir soumissionner.

13.  Ruhrwasser est intervenue dans la procédure devant le Tribunale et a formé une demande incidente tendant à voir déclarer l'avis d'appel d'offres illégal en tant qu'il interdisait à une entreprise candidate de produire des références concernant une autre entreprise afin d'établir sa propre capacité à soumissionner.

14.  Après analyse des rapports entre Ruhrwasser et les sociétés ayant participé à sa création, le Tribunale a considéré qu'il existait «un lien étroit entre Ruhrverband et Ruhrwasser permettant à cette dernière de se prévaloir des moyens et de l'organisation de la première». Dans ces conditions, il lui est apparu nécessaire de vérifier si la directive 92/50 devait être interprétée en ce sens que des références concernant une entité liée à l'entreprise candidate pouvaient être admises comme preuve de la capacité de cette dernière.

15.  En effet, selon le Tribunale, si la Cour a admis, dans ses arrêts du 14 avril 1994, Ballast Nedam Groep, dit «Ballast Nedam Groep I» (C-389/92, Rec. p. I-1289), et du 18 décembre 1997, Ballast Nedam Groep, dit «Ballast Nedam Groep II» (C-5/97, Rec. p. I-7549), la possibilité pour une entreprise de justifier qu'elle possède les capacités requises en fournissant les références d'autres sociétés appartenant au même groupe qu'elle, la situation en cause dans ces arrêts se distingue de celle de l'espèce en ce que, d'une part, il s'agissait de marchés de travaux publics régis par les directives 71/304/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, concernant la suppression des restrictions à la libre prestation de services dans le domaine des marchés publics de travaux et à l'attribution de marchés publics de travaux par l'intermédiaire d'agences ou de succursales (JO L 185, p. 1), et 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), et non de marchés de services et, d'autre part, la société en cause dans les arrêts Ballast Nedam Groep I et Ballast Nedam Groep II, précités, jouissait, à la différence de Ruhrwasser, d'une position dominante dans le groupe de sociétés dont elle revendiquait les capacités, en tant que société holding par rapport à ses filiales.

16.  Afin de savoir si, malgré ces différences en droit et en fait, la solution retenue par la Cour dans ses précédents arrêts pouvait être également appliquée à une situation telle que celle en cause au principal, le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, permet-elle à une société de prouver qu'elle possède les qualifications techniques et financières requises pour être admise à participer à une procédure d'appel d'offres organisée en vue de concéder un service public, en invoquant les références d'une autre société qui est l'actionnaire unique d'une des sociétés ayant une participation dans la première société citée?»

Sur la question préjudicielle

17.  Selon Holst Italia, la possibilité d'invoquer les références d'une entité autre que l'entreprise candidate ne serait ouverte, dans le cadre de la directive 92/50, que dans l'hypothèse où cette entreprise peut démontrer l'existence d'un lien structurel

caractérisé l'unissant à celle qui détient les capacités nécessaires à l'exécution du marché.

18.  Un tel lien structurel, qui constitue, selon la demanderesse au principal, une garantie fondamentale pour le pouvoir adjudicateur, supposerait, conformément à la jurisprudence de la Cour, que la société soumissionnaire exerce une influence dominante sur l'entité qui lui sert de références et dispose pleinement et réellement de l'ensemble de ses moyens. Tel ne serait pas le cas lorsque le soumissionnaire se borne à invoquer des engagements de caractère commercial souscrits par une entité qui détient indirectement une part minoritaire de son capital. Admettre en pareille hypothèse la prise en compte des capacités d'un tiers ferait perdre tout caractère personnel aux qualifications alléguées.

19.  Le gouvernement italien doute également qu'une filiale indirectement détenue par un organisme puisse prétendre avoir à sa disposition les moyens techniques et financiers de cet organisme, mais il admet qu'il incombe au juge national d'apprécier les éléments de preuve fournis à cet égard par le soumissionnaire.

20.  Ruhrwasser considère en revanche, comme les gouvernements néerlandais et autrichien, que la nature juridique du lien établi entre des entreprises associées ne peut en aucun cas être opposée à celles-ci pour refuser de prendre en compte, au profit d'un membre du groupe, les capacités d'un autre membre. Quel que soit le mode d'organisation retenu, la seule considération pertinente tiendrait aux conséquences qu'il entraîne en termes de disponibilité des moyens.

21.  Il en résulte, selon Ruhrwasser, que, dans une hypothèse où, à des liens structurels tenant notamment à la possession du capital, s'ajoutent des engagements contraignants de mise de moyens à la disposition de la filiale participant à l'appel d'offres, la preuve de la possession réelle des moyens d'exécuter le marché est effectivement apportée.

22.  La Commission considère que la réponse de principe apportée par la Cour dans ses arrêts Ballast Nedam Groep I et II, précités, est applicable par analogie à une situation telle que celle de l'espèce. Elle insiste toutefois sur le fait que la possibilité pour le soumissionnaire de disposer effectivement des moyens nécessaires à l'exécution du marché ne peut être présumée, quels que soient les rapports de droit qu'il entretient avec les membres du groupe auquel il appartient, et doit faire l'objet de la part du juge national d'un examen précis des preuves que l'intéressé a l'obligation de fournir, examen dont l'ordonnance de renvoi ne permet pas d'affirmer qu'il a été conduit, dans l'espèce au principal, sur la base d'une documentation suffisante.

23.  Il y a lieu de relever d'emblée que, ainsi que le signale son sixième considérant, la directive 92/50 vise à éviter des entraves à la libre circulation des services dans la passation des marchés publics de services, de la même façon que les directives 71/304 et 71/305 visent à assurer la libre prestation des services dans le domaine

des marchés publics de travaux (voir arrêt Ballast Nedam Groep I, précité, point 6).

24.  A cette fin, le chapitre 1 du titre VI de la directive 92/50 édicte des règles communes de participation aux procédures de passation des marchés publics de services, au nombre desquelles figurent la possibilité de sous-traiter une part du marché à des tiers (article 25) et la possibilité pour les groupements de prestataires de services de soumissionner sans qu'une forme juridique déterminée puisse être exigée d'eux pour la présentation de leur offre (article 26).

25.  En outre, les critères de sélection qualitative fixés au chapitre 2 du titre VI de la directive 92/50 ont pour seul objet de définir les règles d'appréciation objective de la capacité des soumissionnaires, en particulier en matière financière et économique et en matière technique. L'une d'entre elles, prévue à l'article 31, paragraphe 3, permet au prestataire de justifier de sa capacité financière et économique par tout document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur. Une autre de ces dispositions, figurant à l'article 32, paragraphe 2, sous c), prévoit expressément la possibilité de justifier de la capacité technique du prestataire par l'indication des techniciens ou des organismes techniques, qu'ils soient ou non intégrés à l'entreprise du prestataire de services, dont celui-ci disposera pour l'exécution du service (voir, dans le même sens, s'agissant de la directive 71/305, arrêt Ballast Nedam Groep I, précité, point 12).

26.  Il résulte tant de l'objet que du libellé de ces dispositions qu'une personne ne peut être écartée d'une procédure de passation d'un marché public de services au seul motif qu'elle entend mettre en oeuvre, pour exécuter le marché, des moyens qu'elle ne détient pas en propre mais qui appartiennent à une ou plusieurs entités autres qu'elle-même (voir, dans le même sens, s'agissant des directives 71/304 et 71/305, arrêt Ballast Nedam Groep I, précité, point 15).

27.  Il est donc loisible à un prestataire qui ne remplit pas à lui seul les conditions minimales exigées pour participer à la procédure d'adjudication d'un marché de services de faire valoir auprès du pouvoir adjudicateur les capacités de tiers auxquels il compte faire appel si le marché lui est adjugé.

28.  Toutefois, un tel recours à des références extérieures ne peut être admis sans conditions. Il appartient en effet au pouvoir adjudicateur, ainsi que le précise l'article 23 de la directive 92/50, de procéder à la vérification de l'aptitude des prestataires de services conformément aux critères énumérés. Cette vérification a notamment pour objet de donner au pouvoir adjudicateur l'assurance que le soumissionnaire aura effectivement l'usage des moyens de toute nature dont il se prévaut pendant la période couverte par le marché.

29.  Ainsi, lorsque, pour démontrer ses capacités financières, économiques et techniques en vue d'être admise à participer à une procédure d'appel d'offres, une société fait état des capacités d'organismes ou d'entreprises auxquels elle est liée par des liens directs ou indirects, de quelque nature juridique qu'ils soient, il lui appartient d'établir qu'elle a effectivement la disposition des moyens de ces organismes ou entreprises qui ne lui appartiennent pas en propre et qui sont nécessaires à l'exécution du marché (voir, en ce sens, s'agissant des directives 71/304 et 71/305, arrêt Ballast Nedam Groep I, précité, point 17).

30.  Il appartient au juge national d'apprécier la pertinence des éléments de preuve produits à cet effet. Dans le cadre de ce contrôle, la directive 92/50 ne permet ni d'exclure a priori certains modes de preuve ni de présumer que le prestataire dispose des moyens de tiers en se fondant sur la seule circonstance qu'il appartient à un même groupement d'entreprises.

31.  Il y a donc lieu de répondre à la question préjudicielle que la directive 92/50 doit être interprétée en ce sens qu'elle permet à un prestataire, pour établir qu'il satisfait aux conditions économiques, financières et techniques de participation à une procédure d'appel d'offres en vue de conclure un marché public de services, de faire état des capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qu'il entretient avec elles, à condition qu'il soit en mesure de prouver qu'il a effectivement la disposition des moyens de ces entités nécessaires à l'exécution du marché. Il appartient au juge national d'apprécier si une telle justification est apportée dans l'espèce au principal.

Sur les dépens

32.  Les frais exposés par les gouvernements italien, néerlandais et autrichien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna, par ordonnance du 10 février 1998, dit pour droit:

La directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, doit être interprétée en ce sens qu'elle permet à un prestataire, pour établir qu'il satisfait aux conditions économiques, financières et techniques de participation à une procédure d'appel d'offres en vue de conclure un marché public de services, de faire état des capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qu'il entretient avec elles, à condition qu'il soit en mesure de prouver qu'il a effectivement la disposition des moyens de ces entités nécessaires à l'exécution du marché. Il appartient au juge national d'apprécier si une telle justification est apportée dans l'espèce au principal.

Moitinho de Almeida    Sevón    Gulmann

Puissochet     Wathelet

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 décembre 1999.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

R. Grass

D. A. O. Edward

1: Langue de procédure: l'italien

Source : http://curia.europa.eu/

Jurisprudence

CJUE, 14 janvier 2016, affaire C-234/14, «Ostas celtnieks» SIA, contre Talsu novada pašvaldība, Iepirkumu uzraudzības birojs  (Il résulte des dispositions de la directive 2004/18 que le soumissionnaire est libre de choisir, d’une part, la nature juridique des liens qu’il entend établir avec les autres entités dont il fait valoir les capacités aux fins de l’exécution d’un marché déterminé et, d’autre part, le mode de preuve de l’existence de ces liens).

Voir également

articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services

capacités