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L'usage de liens hypertextes vers des serveurs distants pour accéder aux documents constitutifs d'une offre rend celle-ci irrégulière au sens de l'article L2152-2 du code de la commande publique et au regard des exigences de dématérialisation dudit code. Cette pratique ne garantit ni l'intégrité des données ni un horodatage précis, compromettant ainsi la sécurité de la procédure. L'acheteur peut légalement rejeter de telles offres sans être tenu de demander leur régularisation. Il résulte des dispositions de de l'article R2132-7 et de l'article R2132-3 du code de la commande publique que les outils de réception électronique des offres doivent permettre de garantir que l'accès aux offres n'est plus possible après la date de remise des offres et que seul le pouvoir adjudicateur ou ses mandants peuvent avoir accès à l'offre après cette date. A ce titre, le candidat ne peut donc pas inclure de lien hypertexte pour accéder aux documents de son offre notamment le mémoire technique et le BPU.
https://opendata.justice-administrative.fr/recherche/shareFile/TA59/DTA_2504389_20250526
Résumé
La ville de Lille avait lancé une consultation selon une procédure adaptée pour l'attribution d'un marché de prestations de traiteur. Le règlement de la consultation imposait que les offres soient déposées via la plateforme de dématérialisation « achat public », précisant que « les candidats constitueront leur pli sous format électronique (à l'exclusion de support physique électronique type CDROM et clé USB) comprenant les candidatures et offres via la plate-forme de dématérialisation ».
La société La consignerie avait bien déposé sa candidature dans les délais sur la plateforme dématérialisée, mais les documents exigés par le règlement de la consultation (mémoire technique, bordereau des prix) n'avaient pas été directement intégrés à cette plateforme. Son offre renvoyait via un lien hypertexte vers une application de stockage et de partage de fichiers sur des serveurs distants pour accéder à ces documents essentiels.
La ville de Lille a rejeté cette offre comme irrégulière. Saisie d'un référé précontractuel par la société évincée, le tribunal administratif de Lille a confirmé la régularité de cette décision de rejet.
La dématérialisation des procédures de marchés publics répond à des exigences définies par le code de la commande publique et ses textes d'application. L'article R2132-7 du code de la commande publique impose que « les communications et les échanges d'informations lors de la passation d'un marché (...) ont lieu par voie électronique ». Cette obligation s'accompagne de garanties de sécurité précises.
L'arrêté du 22 mars 2019 relatif aux exigences minimales des moyens de communication électronique utilisés dans la commande publique détaille ces garanties. Son article 2 exige notamment que les moyens de communication électronique garantissent : « l'identité de l'acheteur ou de l'autorité concédante et de l'opérateur économique », « l'intégrité des données », « l'heure et la date exactes de la réception (...) déterminées avec précision » et enfin que « la gestion des droits permet d'établir que lors des différents stades de la procédure de passation du marché (...), seules les personnes autorisées ont accès aux données ».
Ces dispositions visent à assurer la transparence et l'égalité de traitement entre candidats, tout en préservant la confidentialité des offres jusqu'à leur ouverture officielle. Elles répondent également aux exigences européennes de sécurisation des procédures électroniques.
Le tribunal administratif de Lille tire de ce cadre normatif une conclusion selon laquelle : « les outils de réception électronique des offres doivent permettre de garantir que l'accès aux offres n'est plus possible après la date de remise des offres et que seul le pouvoir adjudicateur ou ses mandants peuvent avoir accès à l'offre après cette date ». Cette exigence conduit à interdire l'inclusion de liens hypertextes dans les offres.
En effet, l'usage de liens vers des serveurs distants présente plusieurs failles sécuritaires. D'abord, il ne permet pas « un horodatage précis de la réception de ces documents ». L'horodatage constitue pourtant un élément important de la régularité de la procédure, permettant de vérifier que l'offre a bien été déposée dans les délais impartis.
Ensuite, cette pratique « ne garantissait pas l'intégrité des données et en particulier que ces documents ne pouvaient pas être modifiés après la date de remise des offres ». Cette absence de garantie d'intégrité représente un risque substantiel pour l'égalité de traitement. Un candidat pourrait théoriquement modifier le contenu de ses documents après la date limite, bénéficiant ainsi d'un avantage sur ses concurrents.
Le tribunal précise d'ailleurs que « la seule circonstance alléguée par la société requérante que ces documents n'ont pas été modifiés en l'espèce, ne suffit pas à démontrer le respect des dispositions » applicables.
La décision caractérise l'irrégularité de l'offre sur un double fondement. D'une part, celle-ci ne respecte pas les exigences formulées dans le règlement de la consultation. L'article 9-5 de ce règlement imposait en effet que l'ensemble des pièces constitutives de l'offre soient déposées sur la plateforme dématérialisée, ce que n'avait pas fait la société requérante.
D'autre part, l'offre « méconnaît la législation applicable » au sens de l'article L2152-2 du code de la commande publique. Cette double qualification souligne que l'irrégularité ne résulte pas seulement d'un manquement aux spécifications particulières du marché, mais d'une violation des règles générales de la commande publique.
Cette approche s'inscrit dans la logique de l'article L2152-2 du code de la commande publique qui définit l'offre irrégulière comme celle qui « ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ».
4 L'absence d'obligation de régularisation
Face à une offre irrégulière, l'acheteur dispose d'une faculté, et non d'une obligation, de demander sa régularisation. L'article R2152-2 du code de la commande publique dispose en effet que « l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié ». Le tribunal rappelle que « le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de demander aux candidats de régulariser leurs offres ».
Contrairement à une simple omission de documents, l'usage de liens hypertextes touche aux fondements même de la sécurité de la procédure. Une régularisation supposerait que le candidat dépose à nouveau ses documents, ce qui reviendrait à lui accorder un délai supplémentaire par rapport à ses concurrents.
La régularisation trouve en outre ses limites dans l'interdiction de modifier « des caractéristiques substantielles » de l'offre. Or, le passage d'un système de liens vers un dépôt direct pourrait parfois s'analyser comme une modification substantielle, notamment si le contenu des documents diffère de celui initialement accessible via les liens.
Texte
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En ce qui concerne la régularité de l'offre :
3. D'une part, aux termes de l'article L2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. " et l'article R2152-1 du même code dispose que : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées./ Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées. " .
4. D'autre part, aux termes de l'article R2132-7 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles R. 2132-11 à R. 2132-13, les communications et les échanges d'informations lors de la passation d'un marché en application du présent livre ont lieu par voie électronique. / Un moyen de communication électronique est un équipement électronique de traitement, y compris la compression numérique, et de stockage de données diffusées, acheminées et reçues par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques. ". Le I de l'article 2 de l'arrêté du 22 mars 2019 relatif aux exigences minimales des moyens de communication électronique utilisés dans la commande publique, pris pour l'application des dispositions précitées dispose que : " Les moyens de communication électronique utilisés pour la réception des candidatures, des offres, des demandes de participation, ainsi que des plans et projets doivent au moins garantir que : / 1° L'identité de l'acheteur ou de l'autorité concédante et de l'opérateur économique est déterminée ; / 2° L'intégrité des données est assurée ; /3° L'heure et la date exactes de la réception sont déterminées avec précision, conformément à l'article 5 du présent arrêté ; / 4° La gestion des droits permet d'établir que lors des différents stades de la procédure de passation du marché ou du contrat de concession, seules les personnes autorisées ont accès aux données. ". Enfin, aux termes de l'article R2132-3 du code de la commande publique : " Le profil d'acheteur est la plateforme de dématérialisation permettant notamment aux acheteurs de mettre les documents de la consultation à disposition des opérateurs économiques par voie électronique et de réceptionner par voie électronique les documents transmis par les candidats et les soumissionnaires. Un arrêté du ministre chargé de l'économie figurant en annexe du présent code détermine les fonctionnalités et les exigences minimales qui s'imposent aux profils d'acheteur. ".
5. Il résulte de ces dispositions que les outils de réception électronique des offres doivent permettre de garantir que l'accès aux offres n'est plus possible après la date de remise des offres et que seul le pouvoir adjudicateur ou ses mandants peuvent avoir accès à l'offre après cette date. A ce titre, le candidat ne peut donc pas inclure de lien hypertexte pour accéder aux documents de son offre.
6. L'article 9-5 du règlement de la consultation imposait que les offres soient déposées via la plateforme de dématérialisation " achat public " en précisant que " les candidats constitueront leur pli sous format électronique(à l'exclusion de support physique électronique type CDROM et clé USB) comprenant les candidatures et offres via la plate-forme de dématérialisation ". Cette exigence impliquait compte tenu de ce qui a été précédemment rappelé que l'ensemble des pièces et documents constitutifs de l'offre soient déposés sur la plateforme dématérialisée.
7. Il est constant que si la société requérante a déposé sa candidature le 25 septembre 2024, soit à la date limite de remise des offres, sur la plateforme dématérialisée, les documents exigés par le règlement de la consultation (mémoire technique, bordereau des prix, notamment) n'ont pas été déposés sur cette plateforme mais que l'offre renvoyait via un lien pour ces documents à une application de stockage et de partage de fichiers sur des serveurs à distance. L'offre de la société requérante ne peut donc pas être considérée comme respectant le règlement de consultation sur ce point. Par ailleurs, ce renvoi par un lien ne permettait pas un horodatage précis de la réception de ces documents, ni ne garantissait l'intégrité des données et en particulier que ces documents ne pouvaient pas être modifiés après la date de remise des offres. La seule circonstance alléguée par la société requérante que ces documents n'ont pas été modifiés en l'espèce, ne suffit pas à démontrer le respect des dispositions rappelées aux points 4, 5 et 6. La société requérante n'a donc pas non plus respecté la législation applicable au sens de l'article L2152-2 du code de la commande publique. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la ville de Lille a déclaré son offre comme irrégulière.
En ce qui concerne la régularisation de l'offre :
8. Aux termes de l'article R2152-2 du code de la commande publique : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles. ". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de demander aux candidats de régulariser leurs offres. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la ville de Lille aurait dû lui demander de régulariser son offre.
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MAJ 01/06/25
Actualités
Liens hypertextes dans les mémoires techniques des marchés publics : Quels sont les risques ? (Un soumissionnaire a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée. Mais qu’en est-il si certains éléments du mémoire technique sont accessibles uniquement par des liens hypertextes intégrés dans l’offre ? Le pouvoir adjudicateur a-t-il alors la garantie que ces éléments ne peuvent plus être modifiés après le délai de dépôt des offres ? Ces questions, liées à la réponse électronique, se sont posées dans un litige opposant un soumissionnaire dont l’offre a été rejetée et la Commission Européenne TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne).
Jurisprudence marchés publics et autres contrats publics
TA Rennes, 2 décembre 2024, n° 2406252 (Téléchargement partiel d'une offre via un lien externe. Le rejet d'une offre transmise partiellement via un lien de téléchargement externe est justifié lorsque le règlement de consultation impose l'utilisation exclusive de la plateforme PLACE. Echantillons-tests requis non directement joints aux mémoires techniques mais accessibles via un lien de téléchargement externe rendant l'offre incomplète donc irrégulière).
CE, 18 octobre 2024, n° 474772 (Mémoire technique incomplet entrainant le rejet de l'offre. L'absence de détails sur des éléments exigés constituait une violation du règlement de la consultation. Le Conseil d'État examine la portée de l'insuffisante précision des moyens matériels décrits dans l'offre technique, en confirmant la qualification d'irrégulière d'une offre dont la description a été jugée insuffisante. En l'espèce, dans le cadre d'une procédure adaptée, l'offre retenue pour un marché de fourniture et renouvellement de matériau filtrant a été censurée car elle ne décrivait pas avec suffisamment de précision les équipements dédiés au chantier, notamment concernant le système de pompage).
TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne (Analyse des risques potentiels associés à l'utilisation de liens hypertextes dans les offres de marchés publics, tels que la modification des documents après le dépôt de l'offre).
Mémoire technique incomplet et irrégularité potentielle de l’offre (Un mémoire incomplet vous expose à déclarer votre offre irrégulière (TA Nancy, 4 janvier 2021, n° 2003245, Société Prestini TP).