Article L1 Répondre aux besoins : Moyens propres ou recours à un contrat de la commande publique

code de la commande publique Article L. 1 Moyens pour répondre aux besoins

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Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique

Article L1

Les acheteurs et les autorités concédantes choisissent librement, pour répondre à leurs besoins, d’utiliser leurs propres moyens ou d’avoir recours à un contrat de la commande publique.

MAJ 12/11/23 - Source : Legifrance

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Le libre choix pour répondre aux besoins

Possibilité d'accomplir les missions de service public qui leur incombent par leurs propres moyens

Les personnes publiques ont toujours la possibilité d'accomplir les missions de service public qui leur incombent par leurs propres moyens.

Il leur appartient en conséquence de déterminer si la satisfaction des besoins résultant des missions qui leur sont confiées appellent le recours aux prestations et fournitures de tiers plutôt que la réalisation, par elles-mêmes, de celles-ci ; ni la liberté du commerce et de l'industrie, ni le droit de la concurrence ne font obstacle à ce qu'elles décident d'exercer elles-mêmes, dès lors qu'elles le font exclusivement à cette fin, les activités qui découlent de la satisfaction de ces besoins, alors même que cette décision est susceptible d'affecter les activités privées de même nature (CE, 26 octobre 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image).

Création d'un groupement d’intérêt public afin de répondre aux besoins des collectivités publiques

Les collectivités publiques peuvent recourir à leurs propres moyens pour assurer, dans le cadre de leurs compétences, les prestations répondant à leurs besoins et ne sont pas tenues de faire appel à des tiers, en particulier à des entreprises, en passant avec eux des marchés publics.

Si plusieurs collectivités publiques décident d'accomplir en commun certaines tâches et de créer à cette fin, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, un organisme dont l'objet est de leur fournir les prestations dont elles ont besoin, elles peuvent librement faire appel à celui-ci, sans avoir à le mettre en concurrence avec des opérateurs dans le cadre de la passation d'un marché public, dès lors qu'il leur consacre l'essentiel de son activité et qu'elles exercent conjointement sur lui un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services, un tel organisme ne pouvant en effet être regardé, alors, comme un opérateur sur un marché concurrentiel.

Cet organisme peut notamment prendre la forme d'un groupement d'intérêt public créé en application des dispositions de l'article L. 6134-1 du code de la santé publique en vue d'assurer certaines prestations répondant aux besoins de ses membres (CE, 4 mars 2009, n°300481). 

Le libre choix du mode de gestion

Cet article consacre législativement le principe du libre choix par l'acheteur public de son mode de gestion. Il peut soit utiliser ses propres moyens en régie, soit externaliser la prestation via un contrat public.

Ce principe est également affirmé par le droit de l'Union européenne. Le considérant n°5 de la directive 2014/24/UE sur les marchés publics rappelle que les États membres ne sont pas obligés de confier à des tiers des services qu'ils peuvent réaliser eux-mêmes.

(5) Il convient de rappeler que rien dans la présente directive ne fait obligation aux États membres de confier à des tiers ou d’externaliser la fourniture de services qu’ils souhaitent fournir eux-mêmes ou organiser autrement que par la passation d’un marché public au sens de la présente directive. La prestation de services fondés sur la législation, la réglementation ou des contrats d’emploi ne devrait pas être concernée. Dans certains États membres, cela pourrait par exemple être le cas pour certains services administratifs et publics, tels que les services exécutifs et législatifs, ou la fourniture de certains services à la population, tels que des services en matière d’affaires étrangères ou de justice ou des services de sécurité sociale obligatoire.

La codification de ce principe à l'article L1 du Code de la commande publique est importante à double titre :

  • Elle consacre solennellement la liberté de choix de l'acheteur public entre régie et gestion déléguée, y compris lorsqu'il s'agit de répondre à un besoin de nature économique.
  • Elle rappelle que l'externalisation n'est pas toujours la solution la plus opportune. L'acheteur doit s'interroger sur l'intérêt de recourir à un tiers ou d'utiliser ses propres moyens.

Ainsi, l'article L1 du Code de la commande publique réaffirme la latitude dont disposent les acheteurs publics pour décider du mode de gestion le plus adapté à leurs besoins.

La régie, mode de gestion directe des services publics

La régie est le mode de gestion par lequel l'acheteur public utilise ses propres moyens humains et matériels pour répondre à ses besoins. Il s'agit d'une gestion en interne, par les services de la personne publique.

La régie se caractérise par l'absence de personnalité juridique distincte de l'administration. Les deniers de la régie se confondent avec ceux de la collectivité. Le budget de la régie figure au budget général.

La régie présente plusieurs avantages pour la personne publique :

  • Maîtrise complète de l'activité
  • Absence de rémunération d'un tiers
  • Mutualisation des moyens avec les autres services

Mais elle implique de mobiliser des ressources humaines et matérielles en interne.

La gestion déléguée par contrat public

Définition et caractéristiques

L'acheteur public peut également choisir de déléguer la gestion d'une activité à un tiers via un contrat public.

La gestion déléguée implique le recours à un opérateur externe qui se verra confier la gestion opérationnelle du service public. L'acheteur conserve la responsabilité du service mais en confie l'exécution à son cocontractant.

Les principaux intérêts de la gestion déléguée sont :

  • Faire appel à l'expertise du secteur privé
  • Alléger la charge de l'administration
  • Partager les risques avec le cocontractant

Mais elle implique aussi de renoncer au contrôle direct de l'activité déléguée.

Activité déléguée via une concession

La concession : contrat par lequel l'acheteur public confie la gestion d'un service public à un opérateur à qui est transféré un risque lié à l'exploitation, et qui se rémunère directement auprès des usagers du service (art. L1121-1 du Code de la commande publique).

Les critères de choix entre régie et gestion déléguée

Bien qu'ayant de la latitude, l'acheteur public doit fonder sa décision sur une analyse des avantages et inconvénients respectifs de la régie et de la gestion déléguée.

Les avantages de la régie

Les principaux avantages de la régie sont :

  • La maîtrise complète de l'activité
  • L'absence de rémunération d'un tiers
  • La flexibilité et la réactivité accrues
  • La mutualisation possible des moyens
  • La régie est donc adaptée lorsque l'acheteur souhaite conserver un contrôle étroit sur le service.

Les avantages de la gestion déléguée

Les atouts principaux de la gestion déléguée sont :

  • Le recours à l'expertise du secteur privé
  • Le partage des risques avec le délégataire
  • Des gains d'efficacité grâce à la concurrence entre opérateurs
  • La minimisation des coûts grâce à cette mise en concurrence
  • La responsabilisation du délégataire sur ses résultats
  • La gestion déléguée est ainsi intéressante lorsque l'acheteur manque de moyens ou d'expertise.

Exemples concrets pour illustrer le choix entre la gestion en régie et la gestion déléguée des services publics

Exemple 1: La gestion de l'eau potable

Des communes ont fait le choix historique d'une gestion déléguée de leur service public d'eau potable via des contrats de concession avec des opérateurs prés comme Veolia, Suez etc.

Cependant, face aux limites de ce mode de gestion (manque de contrôle sur les tarifs, renouvellement insuffisant des canalisations), de plus en plus de municipalités ont décidé de repasser en régie à l'expiration des contrats.

C'est notamment le cas pour la régie de gestion de l'eau de Paris depuis 2010. Les objectifs de cette régie sont de :

  • Maîtriser les coûts et les tarifs
  • Améliorer la transparence et le contrôle démocratique
  • Accélérer le renouvellement des équipements

Exemple 2: La gestion des parkings

La gestion des parcs de stationnement relève typiquement d'un choix entre régie et délégation de service public.

Certains critères favorables à la régie:

  • Volonté de maîtriser les tarifs sans but lucratif
  • Souhait de contrôler étroitement la politique du stationnement

D'autres facteurs orientent vers la gestion déléguée :

  • Complexité technique de la gestion des parcs de stationnement
  • Possibilité de partager les risques avec un opérateur spécialisé
  • Manque de moyens humains et matériels en interne
  • De nombreuses villes optent pour un mixte : régie directe pour les zones sensibles du centre-ville, et DSP pour les parkings périphériques.

Exemple 3: La gestion des déchets ménagers

Historiquement géré en régie, le ramassage des ordures ménagères a progressivement été délégué à des opérateurs prés par souci d'efficacité et d'expertise technique.

Mais certaines collectivités reviennent en régie pour ce service sensible, avec des arguments de :

  • Meilleur contrôle de la qualité du service
  • Possibilité de moderniser le matériel et les méthodes
  • Relation de proximité accrue avec les administrés

Articles du code de la commande publique

  • Article L1 [Choix des moyens pour répondre aux besoins]
  • Article L2 [Contrats de la commande publique - Marchés publics et concessions]
  • Article L3 [Principes d'égalité de traitement, de liberté d’accès et de transparence des procédures]
    • Article L3-1 [Objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale]
  • Article L4 [Contrats de la commande publique et mesures d’exclusion]
  • Article L5 [Durée limitée des contrats - durée du marché]
  • Article L6 [Contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses conclus par des personnes morales de droit public]

Textes relatifs à la commande publique - Sources juridiques

Considérant 5 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

(5) Il convient de rappeler que rien dans la présente directive ne fait obligation aux États membres de confier à des tiers ou d’externaliser la fourniture de services qu’ils souhaitent fournir eux-mêmes ou organiser autrement que par la passation d’un marché public au sens de la présente directive. La prestation de services fondés sur la législation, la règlementation ou des contrats d’emploi ne devrait pas être concernée. Dans certains États membres, cela pourrait par exemple être le cas pour certains services administratifs et publics, tels que les services exécutifs et législatifs, ou la fourniture de certains services à la population, tels que des services en matière d’affaires étrangères ou de justice ou des services de sécurité sociale obligatoire.

Actualités de la commande publique

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Jurisprudence marchés publics et autres contrats publics

CAA Nantes, 5 juillet 2013, n° 12NT02836, SELARL Radiodiagnostic du Giennois (Lorsque des collectivités publiques sont responsables d'un service public, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n'y fait pas par elle-même obstacle, décider de confier sa gestion à un tiers ; qu'à cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe conclure avec un opérateur, quel que soit son statut juridique, un contrat de délégation de service public ou, si la rémunération de leur cocontractant n'est pas substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service, un marché public de service ; qu'elles peuvent toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel. En l'espèce le contrat constituait une modalité de l'organisation interne du groupement de coopération sanitaire, lequel a d'ailleurs été institué sous la forme d'une personne morale de droit privé à but non lucratif, par sa convention constitutive du 15 octobre 2009, notamment pour gérer un plateau technique commun d'imagerie médicale ; dans ces conditions, il ne pouvait pas être regardé comme un contrat conclu entre un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique au sens du deuxième alinéa du I de l'article 1er du code des marchés publics et n'est donc pas soumis à ce code et aux règles de publicité et de mise en concurrence qu'il détermine).

CE, 26 octobre 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image (Les personnes publiques ont toujours la possibilité d'accomplir les missions de service public qui leur incombent par leurs propres moyens ; il leur appartient en conséquence de déterminer si la satisfaction des besoins résultant des missions qui leur sont confiées appellent le recours aux prestations et fournitures de tiers plutôt que la réalisation, par elles-mêmes, de celles-ci ; ni la liberté du commerce et de l'industrie, ni le droit de la concurrence ne font obstacle à ce qu'elles décident d'exercer elles-mêmes, dès lors qu'elles le font exclusivement à cette fin, les activités qui découlent de la satisfaction de ces besoins, alors même que cette décision est susceptible d'affecter les activités privées de même nature).

CE, 5 juillet 2010, n° 308564, Syndicat national des agences de voyage (Il résulte des dispositions de l'article L1521-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que les sociétés d'économie mixte locales peuvent légalement exercer, outre des activités d'aménagement, de construction ou de gestion de services publics, toute activité économique sur un marché concurrentiel pourvu qu'elle réponde à un intérêt général. Si un tel intérêt général peut résulter de la carence ou de l'insuffisance de l'initiative des entreprises détenues majoritairement ou exclusivement par des personnes privées, une telle carence ou une telle insuffisance ne saurait être regardée comme une condition nécessaire de l'intervention d'une société d'économie mixte (SEM) sur un marché. Il y a seulement lieu de rechercher si les activités en cause présentent un intérêt public suffisant. Aux termes de ce même Article L1521-1, lorsque l'objet d'une SEM locale inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. SEM locale exerçant une activité principale de gestion d'un centre des congrès et d'organisation de manifestations dans ce centre).

CE, 4 mars 2009, n° 300481, Syndicat national des industries d'information de santé (Les collectivités publiques peuvent recourir à leurs propres moyens pour assurer, dans le cadre de leurs compétences, les prestations répondant à leurs besoins et ne sont pas tenues de faire appel à des tiers, en particulier à des entreprises, en passant avec eux des marchés publics. Si plusieurs collectivités publiques décident d'accomplir en commun certaines tâches et de créer à cette fin, dans le respect des dispositions législatives et règlementaires qui leur sont applicables, un organisme dont l'objet est de leur fournir les prestations dont elles ont besoin, elles peuvent librement faire appel à celui-ci, sans avoir à le mettre en concurrence avec des opérateurs dans le cadre de la passation d'un marché public, dès lors qu'il leur consacre l'essentiel de son activité et qu'elles exercent conjointement sur lui un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services, un tel organisme ne pouvant en effet être regardé, alors, comme un opérateur sur un marché concurrentiel).

CE, 31 mai 2006, n°275531, Ordre des avocats au barreau de Paris (Pour intervenir sur un marché, les personnes publiques doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci).

CE, 4 novembre 2005, n° 247298, Société Jean-Claude Decaux (Requalification en marché public. Lorsque l'objet du contrat est de permettre la réalisation et la fourniture de prestations de service à un pouvoir adjudicateur le contrat ainsi conclu entre dans le champ d'application du code des marchés publics ; peu importe si la fourniture de prestations de service constitue un élément accessoire ou principal de l'objet de ce contrat. Un contrat portant sur la fourniture, l'installation et l'entretien sur le domaine public d'une commune d'éléments de mobilier urbain entre dans le champ d'application du code des marchés publics. Principe de la liberté de l'industrie et du commerce qui n'interdisait pas à la commune de valoriser son domaine public). 

CE, 18 mars 1988, n° 57893 ("Il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur l'opportunité des choix opérés par l'administration d'une part en écartant l'exploitation en régie directe au profit de l'affermage, et d'autre part en choisissant comme fermier la société d'aménagement urbain et rural").

CE, 29 avril 1970, n° 77935, société Unipain (Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce que l'Etat satisfasse, par ses propres moyens, aux besoins de ses services. En l'espèce, légalité de l'extension des fournitures de pain par la boulangerie militaire à des établissements pénitentiaires, motivée par des raisons d'économie et conforme à l'intérêt général. Voir également article L1 du code de la commande publique).

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