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Conditions du recours aux capacités d'autres entités 2501448

TA Clermont-Ferrand, 20 mai 2025, n° 2501448 - Conditions du recours aux capacités d'autres entités

Un opérateur économique peut recourir aux capacités d'entités tierces pour répondre aux conditions de participation à un marché public, mais doit respecter des obligations strictes. Le tribunal administratif annule l'attribution d'un marché de transport au motif que la société bénéficiaire n'avait pas transmis le document unique de marché européen (DUME) concernant les entités tierces dont elle entendait utiliser les véhicules, ni apporté la preuve de leur engagement ferme. La décision rappelle que la simple production de certificats d'immatriculation ne suffit pas à établir la disponibilité effective des moyens pendant toute la durée d'exécution du marché.

La région Auvergne-Rhône-Alpes avait lancé une procédure d'appel d'offres divisée en 42 lots pour l'exécution de services de transports scolaires. Le lot 18S « Bourg Lastic » avait été attribué à la société 2C Mobilités, bien que celle-ci ne dispose que de quatre copies de licence valides correspondant à quatre véhicules, alors qu'elle avait présenté des certificats d'immatriculation de neuf véhicules appartenant à des sociétés tierces. La SAS Les cars du Chavanon, candidate évincée, a contesté cette attribution devant le juge des référés précontractuels.

Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande en annulant la procédure de passation au stade de l'examen des offres. Cette décision apporte des précisions sur les conditions dans lesquelles un opérateur économique peut se prévaloir des capacités d'autres entités pour répondre aux exigences d'un marché public.

Le principe du recours aux capacités d'entités tierces

Le droit de l'Union européenne consacre expressément la possibilité pour un opérateur économique de recourir aux capacités d'autres entités. L'article 63 de la directive 2014/24/UE dispose qu'"un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière (...) et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles".

Cette faculté a été transposée en droit français par l'article R2142-3 du code de la commande publique qui précise qu'"un opérateur économique peut avoir recours aux capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces opérateurs".

Cette règle répond à un objectif d'ouverture de la commande publique en permettant notamment aux petites et moyennes entreprises de candidater à des marchés conséquents en s'appuyant sur les moyens de partenaires ou de sous-traitants.

Les conditions de mise en œuvre

Ce recours aux capacités tierces est encadré par des conditions destinées à garantir la réalité des moyens mobilisés et la sécurité juridique de l'attribution.

L'obligation de transmission du document unique de marché européen (DUME)

Le juge rappelle, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et notamment l'arrêt « Rad Service Srl Unipersonale » du 3 juin 2021, que l'opérateur économique "doit alors transmettre au pouvoir adjudicateur, lors de la présentation de sa demande de participation ou de son offre, un document unique de marché européen (DUME) par lequel cet opérateur affirme que tant lui-même que les entités aux capacités desquelles il entend recourir ne se trouvent pas dans l'une des situations qui doit ou peut entraîner l'exclusion d'un opérateur économique".

Cette exigence découle des articles R2143-12 et R2144-1 du code de la commande publique. Elle permet au pouvoir adjudicateur de s'assurer que les entités tierces remplissent les conditions requises et ne font pas l'objet de motifs d'exclusion.

La justification de l'engagement ferme des entités tierces

Au-delà du DUME, l'article R2143-12 du code de la commande publique impose au candidat de justifier "des capacités de ce ou ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pour l'exécution du marché". Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié, mais doit être suffisamment précise et engageante.

Le juge souligne que la simple transmission de certificats d'immatriculation ne suffit pas à établir que "les sociétés tierces, propriétaires des véhicules, se soient engagées à les mettre à la disposition de la société « 2C Mobilités » pour lui permettre de remplir ses obligations pendant toute la durée d'exécution du marché".

L'application stricte au cas d'espèce

En l'espèce, le tribunal a constaté plusieurs irrégularités dans la candidature de la société 2C Mobilités qui l'ont conduit à annuler la procédure.

L'absence de DUME pour les entités tierces

Le premier vice relevé tient à l'absence de transmission du document unique de marché européen concernant les sociétés propriétaires des véhicules. Cette carence prive le pouvoir adjudicateur de la possibilité de vérifier que ces entités ne font pas l'objet de motifs d'exclusion et qu'elles remplissent les conditions requises.

L'insuffisance des justificatifs produits

La société attributaire s'était contentée de transmettre des certificats d'immatriculation sans apporter la preuve d'un engagement ferme des propriétaires. Le juge relève que "en se bornant à transmettre ces seuls certificats d'immatriculation, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés tierces, propriétaires des véhicules, se soient engagées à les mettre à la disposition de la société « 2C Mobilités »".

La non-conformité au règlement de la consultation

Le règlement de la consultation prévoyait la production soit du certificat d'immatriculation des véhicules affectés aux prestations, soit une attestation sur l'honneur pour les véhicules en cours d'acquisition. Or, la société 2C Mobilités n'avait produit ni l'un ni l'autre pour les véhicules appartenant aux sociétés tierces, et l'attestation qu'elle avait versée concernait d'autres lots que celui en litige.

Les vérifications incombant au pouvoir adjudicateur

Cette décision rappelle également les obligations qui pèsent sur le pouvoir adjudicateur lorsqu'un candidat entend recourir aux capacités d'entités tierces.

Conformément à l'article R2144-1 du code de la commande publique, il doit "vérifier, d'une part, que les entités aux capacités desquelles l'opérateur économique entend recourir remplissent les critères de sélection applicables et, d'autre part, s'il existe des motifs d'exclusion concernant tant cet opérateur économique lui-même que ces entités".

En l'absence de transmission du DUME, le pouvoir adjudicateur ne pouvait procéder à ces vérifications . Cette situation constituait donc un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence qui justifiait l'annulation de la procédure.

La portée de la décision et ses enseignements

La jurisprudence encadre strictement le recours aux capacités d'entités tierces.

La décision met l'accent sur les obligations qui pèsent sur le candidat et les moyens de preuve. Il ne suffit pas d'invoquer des moyens appartenant à des tiers ; il faut aussi démontrer que ces moyens seront effectivement disponibles pendant toute la durée d'exécution du marché.

Cette exigence évite les situations de concurrence déloyale où certains candidats bénéficieraient d'un avantage en présentant des moyens fictifs ou incertains.

Pour les praticiens, cette décision constitue un rappel utile des précautions à prendre lorsqu'un candidat entend s'appuyer sur des moyens externes. La constitution du dossier de candidature doit être particulièrement soignée, avec la production de tous les documents requis et la démonstration claire de l'engagement des entités tierces.

Pour les pouvoirs adjudicateurs, elle souligne l'importance d'un contrôle des candidatures qui font appel à des capacités externes, en exigeant la production de tous les documents nécessaires et en vérifiant l'absence de motifs d'exclusion concernant l'ensemble des entités impliquées.

[…]

10. Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de l'article R. 2142-3 de ce code : " Un opérateur économique peut avoir recours aux capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces opérateurs. () ". Aux termes de l'article R. 2143-3 du code de la commande publique : " Le candidat produit à l'appui de sa candidature () 2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat. ". Aux termes de l'article R. 2143-12 du même code : " Si le candidat s'appuie sur les capacités d'autres opérateurs économiques, il justifie des capacités de ce ou ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pour l'exécution du marché. Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié ". Aux termes de l'article R. 2144-1 du même code : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5 ". Enfin, aux termes de l'article R. 2144-4 du même code : " L'acheteur ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché ".

11. Il résulte de ces dispositions combinées avec les dispositions précitées des articles L. 2142-1, R. 2143-3 et R. 2144-1 du code de la commande publique, telles qu'éclairées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment l'arrêt du 3 juin 2021 " Rad Service Srl Unipersonale " (C-2010/20), qu'un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, mais qu'il doit alors transmettre au pouvoir adjudicateur, lors de la présentation de sa demande de participation ou de son offre, un document unique de marché européen (DUME) par lequel cet opérateur affirme que tant lui-même que les entités aux capacités desquelles il entend recourir ne se trouvent pas dans l'une des situations qui doit ou peut entraîner l'exclusion d'un opérateur économique. Il appartient alors au pouvoir adjudicateur de vérifier, d'une part, que les entités aux capacités desquelles l'opérateur économique entend recourir remplissent les critères de sélection applicables et, d'autre part, s'il existe des motifs d'exclusion concernant tant cet opérateur économique lui-même que ces entités.

12. En l'espèce, il n'est pas contesté que la société " 2C Mobilités " ne dispose que de quatre copies de licence valides correspondant à quatre véhicules. Cette société, qui s'est vu attribuer quatre lots (4S, 18S, 20S et 21S), a présenté pour le lot 18S n°TS63-18 " Bourg Lastic ", objet du présent litige, et ainsi que le précise la région Auvergne-Rhône-Alpes, des certificats d'immatriculation de neuf véhicules comprenant entre 8 et 33 places appartenant, selon les sept certificats transmis, à des sociétés tierces, en l'occurrence à la SA " Voyages Cheze " ainsi qu'aux sociétés Sodelem, SA " Mercedes Benz Financial Services France ", CM-CIC Bail, " Oseo Financement " et CM-CIC Leasing Solution, les sociétés " G E ou " Voyages Cheze " disposant alors pour ces derniers véhicules d'un droit d'usage. Si la société " 2C Mobilités " entendait alors recourir aux capacités de ces sociétés tierces par la mise à disposition de leurs véhicules, elle n'a pas transmis au pouvoir adjudicateur, lors de la présentation de son offre, un document unique de marché européen (DUME). Dans ces conditions, en se bornant à transmettre ces seuls certificats d'immatriculation, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés tierces, propriétaires des véhicules, se soient engagées à les mettre à la disposition de la société " 2C Mobilités " pour lui permettre de remplir ses obligations pendant toute la durée d'exécution du marché. Elle ne peut donc être regardée comme ayant présenté son offre sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 2142-3 du code de la commande publique. Au surplus, en ne transmettant pas ce document, elle n'a pas permis au pouvoir adjudicateur de pouvoir procéder aux vérifications rappelées au point précédent.

13. D'autre part, le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement.

14. Il résulte du point 4.1.2 du règlement de la consultation que les candidats devaient produire " la photocopie du certificat d'immatriculation de chaque véhicule affecté à la réalisation des prestations ou à défaut, si acquisition d'un véhicule neuf (ou d'occasion en cours d'acquisition), une attestation sur l'honneur indiquant son âge maximum et sa capacité ou le devis de celui-ci (puis copie du certificat d'immatriculation dès réception) ".

15. En l'absence d'avoir apporté la preuve de pouvoir disposer des moyens nécessaires mis à sa disposition par des sociétés tierces, la société " 2C Mobilités " n'a pas davantage produit pour les véhicules dont elle n'est pas propriétaire, une attestation sur l'honneur par laquelle ils seraient en cours d'acquisition.

[…]

16. Il résulte de ce qui précède que la SAS " Les cars du Chavanon " est fondée à soutenir, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres manquements qu'elle invoque, que l'offre de la société " 2C Mobilités " qui n'avait pas fait la preuve, selon les modalités prévues par le règlement de la consultation, de sa capacité à disposer effectivement des véhicules nécessaires à l'exécution du marché, était irrégulière et, au surplus, que la décision lui attribuant le matché est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

[…]

Textes

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Jurisprudence

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MAJ 30/05/25