Entreprises - PME : Répondre aux marchés publics (DC1, DC2, ATTRI1, DC4, mémoire technique, ...) | Acheteurs publics | |||||
DATES | J01 Fondamentaux | J02 Répondre aux AO | J03 Réponse électronique | J04 Mémoire technique | Formations | Assistance |
Sources > CCP > CCAG > Directives > Lois > Ordonnances > Décrets > Arrêtés > Instructions > Avis > Circulaires > Dématérialisation des MP.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008139005/
Résumé
La décision du Conseil d'Etat précise les modalités d'évaluation pour la réparation du préjudice né de l'éviction irrégulière d'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public.
Lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la rép aration du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge :
Texte
Conseil d’État
statuant
au contentieux
N° 249630
Mentionné aux Tables du Recueil Lebon
Lecture du 18 juin 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 et 29 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, dont le siège est 12, rue Nobel à Jarry (97122), mandataire de la SOCIETE BIWATER et de la SOCIETE AQUA TP, dont le siège est 280, allée des hêtres à Limonest (69760) ; le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 12 juin 2002 par laquelle la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande du GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP tendant à l’annulation de l’ordonnance du 20 décembre 2001 du tribunal administratif de Basse-Terre ayant rejeté leur demande à l’octroi d’une provision relative au marché de travaux d’extension de la station d’épuration de Blachon ;
2°) statuant en référé, de condamner la commune du Lamentin au versement de la provision de 504 228,93 euros qui leur est due représentant 135 609,17 euros au titre des frais exposés lors de la procédure d’appel d’offres et 368 619,80 euros au titre du manque à gagner ;
3°) de condamner ladite commune au versement de la somme de 3 500 euros en application de l’article L761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Denis-Linton, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat du GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE et de la SOCIETE BIWATER et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune du Lamentin,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R541-1 du code de justice administrative : le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ;
Considérant que, par une ordonnance en date du 12 juin 2002, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande de versement d’une provision présentée par le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP en raison du préjudice subi du fait du retrait, le 6 juin 2001, de la décision de la commission d’appel d’offres du 9 mars 2001 lui attribuant le marché d’extension de la station d’épuration du Blachon dans la commune du Lamentin et de l’attribution des mêmes travaux au groupement SOGEA-DODIN ;
Considérant que lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre ; qu’il convient ensuite de rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché ; que, dans un tel cas, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en estimant qu’en l’absence d’une chance sérieuse d’emporter le marché, le groupement requérant, évincé irrégulièrement de la procédure d’appel d’offres, n’avait pas droit à l’indemnisation de son manque à gagner, sans rechercher si le groupement n’était pas dépourvu de toute chance d’emporter le marché pour lui permettre d’être indemnisé des frais exposés pour soumissionner, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ; que, par suite, le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de l’ordonnance en date du 12 juin 2002 du juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux ;
Considérant qu’il y a lieu par application de l’article L821-2 du code de justice administrative de régler l’affaire au titre de la procédure de référé-provision engagée par le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune du Lamentin :
Considérant que si la commune du Lamentin soutient que la demande méconnaît les dispositions de l’article L521-3 du code de justice administrative selon lesquelles en cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative, ces dispositions ne sont pas applicables au juge des référés statuant sur une demande de provision présentée sur le fondement de l’article R541-1 du code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir doit, par suite, être écartée ;
Sur les conclusions relatives à la demande de provision :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP a été désigné comme attributaire du marché de travaux pour l’extension de la station d’épuration du Blachon dans la commune du Lamentin, lors de la réunion de la commission d’appel d’offres du 9 mars 2001 ; que si une commune peut, pour un motif d’intérêt général, renoncer à un marché déjà attribué, elle ne peut, sans commettre une illégalité, demander à la commission de procéder à un nouvel examen des offres ; que dès lors la décision par laquelle la commission d’appel d’offres est revenue sur sa première décision dans une réunion du 6 juin 2001 et a décidé de confier les travaux au groupement SOGEA-DODIN est entachée d’illégalité ; que dans ces conditions il n’est pas sérieusement contestable que le groupement requérant, qui avait une chance sérieuse de conserver le marché, a droit à être indemnisé de la perte des bénéfices qu’il escomptait ; que par suite l’obligation de la commune du Lamentin à l’égard du GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP doit être regardée comme n’étant pas sérieusement contestable pour une somme de 47 000 euros, correspondant à la marge bénéficiaire de ce type d’entreprises pour des travaux de cette nature ;
Considérant en revanche, que les frais exposés par le groupement pour l’établissement de son offre, en l’absence de stipulations contractuelles prévoyant leur prise en charge par le maître d’ouvrage, sont au nombre de ceux qui lui incombaient normalement d’engager pour obtenir l’attribution du marché et qui devaient trouver leur contrepartie dans la rémunération afférente à la réalisation de ce dernier ; qu’ainsi le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP n’est pas fondé à en demander l’indemnisation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l’allocation d’une provision à hauteur de 47 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la commune du Lamentin la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la commune du Lamentin à verser au GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L’ordonnance en date du 12 juin 2002 du juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulée.
Article 2 : La commune du Lamentin est condamnée à verser à titre de provision au GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP la somme de 47 000 euros.
Article 3 : La commune du Lamentin versera au GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la commune du Lamentin devant la cour administrative d’appel de Bordeaux est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP, à la commune du Lamentin et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Voir également
critères, critères de sélection des candidatures, dossier de candidature,
capacités techniques, capacités financières, capacités professionnelles,
critères de choix des offres, offres, pondération des critères de sélection des candidatures ou de choix des offres
système de qualification d’opérateurs économiques
Clauses sensibles dans les marchés publics d'informatique
Contrat nul et droit à l’indemnisation du cocontractant
Indemnisation des frais de présentation de l'offre
Indemnisation pour éviction irrégulière et réparation du préjudice
Jurisprudence
CE, 31 octobre 2024, n° 490242, Métropole Aix-Marseille Provence (Le manque à gagner d’une entreprise candidate à l’attribution d’un contrat public, évincée à l'issue d'une procédure irrégulière, est évalué par la soustraction du total du chiffre d’affaires non réalisé de l’ensemble des charges variables et de la quote-part des coûts fixes qui aurait été affectée à l’exécution du marché si elle en avait été titulaire).
CE, 28 novembre 2023, n° 468867, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer (Le candidat irrégulièrement évincé doit avoir été le seul à disposer d’une chance sérieuse d’emporter le contrat. Il appartient au juge saisi par une société d’une demande tendant à la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure de passation de vérifier si cette société aurait eu des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats. La seule circonstance que l’offre finale de la société évincée n’aurait pas eu une valeur inférieure à celles de tous les autres candidats admis à négocier ne saurait conduire à ce qu’elle soit regardée comme ayant des chances sérieuses d'emporter le contrat).
CE, 8 février 2010, n° 314075, Commune de la Rochelle (Entreprises : à vous de choisir ! Mémoire technique généraliste ou stéréotypé ? Le choix de l'offre ne peut se fonder sur les références des entreprises candidates, mais exclusivement sur la valeur intrinsèque de l'offre. Contrôle de l'erreur manifeste d’appréciation de la valeur technique de l'offre. Dans le cas d'une chance sérieuse d’emporter le marché, la société lésée a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner en résultant pour elle, incluant nécessairement, en l’absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l’offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l’entreprise qui seraient affectés à ce marché ; ce manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu).
CE, 26 sept. 2007, n° 259809, OPHLM du Gard (Absence Une personne publique ayant conclu un marché entaché de nullité et n’ayant pas fait naitre d’obligations entre les parties peut exercer une action en répétition de l’indu)
CAA Marseille, 9 juillet 2007, n° 05MA01087, Cie générale eaux c/ Commune Frontignan (Illégalité des bons de commande n'entrainant pas la nullité du marché et rejet de la demande indemnitaire fondée sur les terrains des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle)
CAA de Marseille, 25 juin 2007, n° 03MA00359, Société de transports Galiero (Conditions de réparation du préjudice né de l'éviction irrégulière d'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public).
CAA Paris, 20 mars 2007, n° 04PA04003, Société GETRONICS FRANCE venant aux droits de la SOCIETE OSLY FRANCE (Indemnisation de prestations effectuées sans marché, partage des responsabilités entre le prestataire et l'Etat sur le fondement de l'enrichissement sans cause en résultant pour l'Etat. Remboursement de celles de ses dépenses utiles, à l'exclusion de tout bénéfice, engagées par l'entreprise pour assurer les prestations dont l'administration a profité)
CE, 29 décembre 2006, n° 273783, Société Bertele SNC c/ Commune de LENS (Un règlement de consultation qui retient comme premier critère d’attribution des offres la qualification professionnelle des entreprises est illégal. Conditions d'indemnisation).
CE, 27 janvier 2006, n° 259374, ville d’Amiens (Indemnisation du manque à gagner. La réalisation par une entreprise, après qu'elle a été irrégulièrement évincée d'un marché, d'un chiffre d'affaires sur d'autres marchés est sans incidence sur l'évaluation du manque à gagner résultant de cette éviction irrégulière).
CE, 18 juin 2003, n° 249630, Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, Société Biwater et Société Aqua TP (Règles d'indemnisation d'un candidat injustement évincé)
CAA Douai, 28 mai 2003, n° 00DA00663, Entreprise Delattre c/ Commune d'Amiens (Conditions d'indemnisation d'une entreprise privée d'une chance sérieuse de remporter un marché compte tenu du caractère irrégulier de la procédure d'appel d'offres)
CE, 23 mai 1979, n° 00063, commune de Fontenay-le-Fleury (Notion Tacite reconduction équivalant à la passation d'un nouveau contrat. Nullité du contrat et droit à l’indemnisation du cocontractant. Un avenant au contrat initial, conclu de gré à gré, avait pour effet d'augmenter la valeur totale du marché au point de dépasser le seuil applicable à cette procédure. Le Conseil d'État a jugé cet avenant nul, considérant qu'il conduisait à un contournement des règles de mise en concurrence applicables aux marchés dépassant un certain seuil. Cet arrêt met en évidence la position initiale de la jurisprudence, qui interdisait tout dépassement de seuil, quel que soit le motif de la modification. Cette approche visait à garantir le respect strict des procédures de passation des marchés publics et à prévenir tout risque de favoritisme ou de manque de transparence).