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CE, 11 septembre 2006, n° 257545, Commune de SARAN

Conseil d’Etat, 11 septembre 2006, n° 257545, Commune de SARAN

Le principe d’égalité entre les candidats n’est pas respecté lorsque le cahier des clauses techniques particulières se réfère à une spécification technique relative à un produit d’une marque de produit déterminée et aux normes et aux caractéristiques techniques des produits de cette marque, et ce, même si la référence à ladite marque est effacée des documents contractuels. Dès lors que ces spécifications propres à une marque de pavés ne sont pas justifiées par l'objet du contrat, la cour n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que la commune, en reprenant au titre des exigences posées par le règlement de la consultation les normes et caractéristiques de cette marque, a porté atteinte au principe d'égalité entre les candidats.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000008218612/

Conseil d'État

statuant au contentieux

N° 257545

Inédit au Recueil Lebon

Lecture du 11 septembre 2006

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 6 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du CE, présentés pour la COMMUNE DE SARAN, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SARAN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a d'une part annulé, à la demande de la société Gallaud, le jugement du 29 décembre 1998 du tribunal administratif d'Orléans et la décision de la commission d'appel d'offres de la commune de Saran rejetant son offre pour un marché public de fournitures nécessaires à l'aménagement de la rue du Bourg et d'autre part a condamné ladite commune à verser à la société Gallaud la somme de 15 200 euros en réparation du préjudice subi et mis les frais d'expertise à la charge de la commune ;

2°) statuant au fond, de rejeter la requête présentée par la société Gallaud devant la cour administrative d'appel de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de la société Gallaud la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Richard, avocat de la COMMUNE DE SARAN et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société Gallaud,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE SARAN a lancé en juillet 1994 un appel d'offres ouvert pour l'aménagement et la réfection de deux rues, le lot n°2 portant sur la fourniture de matériaux divers ; que cinq sociétés, dont la société Gallaud, ont remis une offre pour ce lot ; que la société Gallaud a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de la décision du maire en date du 23 septembre 1994 rejetant son offre et la condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi ; que ce tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 29 décembre 1998 au motif que l'offre de la société ne respectait pas le règlement de la consultation ; que, par un arrêt du 14 mars 2003, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que la décision de la commission d'appel d'offres du 20 septembre 1994 attribuant le marché à l'entreprise Moizard Environnement, puis a condamné la COMMUNE DE SARAN à verser à la société Gallaud une indemnité de 15 200 euros en réparation du manque à gagner qu'elle avait subi alors qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir le marché ; que la commune se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres :

Considérant que, pour annuler cette décision, la cour a constaté que les documents contractuels auxquels renvoyait le règlement de la consultation se référaient à une spécification technique relative à un produit d'une marque de pavés déterminée et aux normes et aux caractéristiques techniques des produits de cette marque, toute référence à ladite marque étant cependant effacée des documents contractuels, pour en conclure que le principe d'égalité entre les candidats n'avait pas été respecté ; qu'elle a en outre constaté que, sur cinq entreprises ayant proposé des offres, trois d'entre elles étaient respectivement le fabricant, le distributeur et l'agent commercial des produits de la marque et que le marché avait d'ailleurs été attribué à l'entreprise Moizard Environnement, distributeur de la marque et a jugé en conséquence que la décision de la commission d'appel d'offres était irrégulière ; que la cour, en caractérisant ainsi une atteinte au principe d'égalité entre les candidats, a suffisamment motivé son arrêt en tant qu'il annule la décision de la commission d'appel d'offres ;

Considérant que si, comme le soutient la COMMUNE DE SARAN, l'article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières définit les tailles des différents pavés devant être fournis par référence aux pavés de type Quartzo ou similaire, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'article 2.2 du même cahier exige comme caractéristiques mécaniques et physiques des produits celles annoncées par le fabricant des pavés Quartzo, qui sont pour certaines d'entre elles supérieures à la norme NF et exprimées dans une norme étrangère, et renvoie à une annexe dont il n'est pas contesté qu'elle est la copie d'une page du catalogue des produits Quartzo dont la commune a fait disparaître le nom ; que dès lors que ces spécifications propres à une marque de pavés ne sont pas justifiées par l'objet du contrat, la cour n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que la commune, en reprenant au titre des exigences posées par le règlement de la consultation les normes et caractéristiques de cette marque, a porté atteinte au principe d'égalité entre les candidats ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SARAN n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il prononce l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres du 20 septembre 1994 ;

Sur l'indemnisation du manque à gagner de la société Gallaud :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le règlement de la consultation comportait un premier critère additionnel exigeant la production d'un projet de contrat de garantie décennale portant , selon le cahier des clauses techniques particulières, sur la tenue des pavés et notamment sur la couleur et la résistance au gel et au sel de déverglaçage ; que la société Gallaud a fourni à l'appui de son offre sa police d'assurances conclue le 22 octobre 1993 qui ne garantissait que les pavés ayant la norme NF alors que les pavés devant être fournis ne bénéficiaient pas de cette norme ; que, sur demande de renseignements complémentaires, la société a produit le 13 septembre 1994 un document de son assureur enregistrant une demande d'extension pour les pavés sans norme NF ; que la même société précisait que cette garantie ne couvrait pas la tenue de la couleur des pavés ; que, dans ces conditions, et comme l'a constaté la cour, la société n'a pas produit de projet de contrat répondant aux exigences du règlement de consultation ; qu'en jugeant, dès lors, que la société avait une chance sérieuse d'obtenir le marché alors que son offre ne respectait pas ce règlement, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, la COMMUNE DE SARAN est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué la condamnant à verser une indemnité à la société Gallaud ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le CE, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les conclusions de la société Gallaud présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes et tendant à l'indemnisation de son manque à gagner ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'offre de la société Gallaud, qui ne comprenait pas de projet de contrat de garantie décennale couvrant les pavés faisant l'objet du marché, ne respectait pas le règlement de la consultation ; que, dans ces conditions, cette société n'a pas été privée d'une chance sérieuse d'obtenir ce marché ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans rejetant ses conclusions tendant à la condamnation de la COMMUNE DE SARAN à lui verser une indemnité en réparation du manque à gagner qu'elle a subi du fait de son éviction illégale ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE SARAN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Gallaud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Gallaud une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE SARAN et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 14 mars 2003 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Gallaud devant la cour administrative d'appel de Nantes tendant à l'annulation du jugement du 29 décembre 1998 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la condamnation de la COMMUNE DE SARAN à lui verser une indemnité sont rejetées.

Article 3 : La société Gallaud versera la somme de 2 000 euros à la COMMUNE DE SARAN au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE SARAN et de la société Gallaud est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SARAN, à la société Gallaud et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

MAJ 20/10/06 - Source legifrance

Jurisprudence

TA Cergy-Pontoise, 3 décembre 2015, n° 1509913, Société LOGITUD SOLUTIONS (Manquements à la définition des besoins – Un renvoi à un catalogue des prix fournisseur sans préciser dans les documents de la consultation la nature et l’étendue des prestations attendues dans le cadre de ce catalogue ne respecte pas l’obligation de définition préalable des besoins tels que prévus à l’article 5 du code des marchés publics).

CAA Bordeaux, 14 février 2013, n° 11BX01785, Sté Index Education / Université de Poitiers (Marché public d’informatique pour un logiciel. Respect des exigences du CCTP. Application des critères hiérarchisés de la valeur technique de l’offre et du prix. Solution devant s’appuyer sur le SGBD relationnel existant de marque Oracle ; un CCTP peut s’appuyer sur un logiciel de marque donnée même si la référence à une marque est interdite si le contexte le justifie) 

TA de LILLE, 2 octobre 2008, n° 0806154, Société DELL c/ Département du Pas-de-Calais (En imposant aux candidats de proposer deux constructeurs distincts de matériel informatique le pouvoir adjudicateur a empêché les constructeurs et les assembleurs de présenter à titre individuel une offre conforme aux exigences du cahier des charges, seuls les distributeurs pouvant proposer deux produits de constructeurs distincts. Avis de marché et rubriques concernant les options et le lieu d’exécution du marché. Référence à une marque de processeur sans justification).

CAA Nancy, 12 octobre 2006, société INTER DECOR, n° 01NC00226 (Notion de fournitures et mention « ou équivalent » figurant au marché. Refus du règlement des prestations par la maître d'ouvrage)

CE, 11 septembre 2006, n° 257545, Commune de SARAN (Référence à une spécification technique relative à un produit d’une marque de produit déterminée et aux normes et aux caractéristiques techniques des produits de cette marque, sans que cette marque soit citée) 

TA Strasbourg, 24 juillet 2001, Préfet Bas-Rhin c/ Département du Bas‑Rhin, Société SMAC ACIEROÏD (mention "ou équivalent")

CJCE, ord., 3 déc. 2001, Bent Mousten Vestergaard c/ Spottrup Boligselskab, n° C-59/00 (Nécessité de préciser la mention "ou équivalent")

Cour européenne de justice, 25 janvier 1995, affaire C-359/93, Commission des Communautés Européennes c/ Royaume des Pays-Bas (Utilisation de la marque Unix)